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Puis-je autoéditer un livre déjà paru en maison d’édition ?

Dans votre vie d’auteur, vous n’êtes pas obligés de choisir un seul mode d’édition. Vous pouvez décider d’être un auteur « hybride » et de publier en maison d’édition certains livres, et d’en autoéditer d’autres

De la même manière, un livre peut avoir plusieurs « vies » : il peut être autoédité, puis être édité en maison d’édition ; et inversement être édité en maison d’édition, puis autoédité. 

Les conditions de cette flexibilité sont définies à la signature des contrats d’édition. Si vous souhaitez conserver la possibilité d’exploiter vos droits numériques ou de donner une suite à votre ouvrage sans l’aval d’un éditeur, il faut exprimer clairement vos souhaits à l’éditeur et bien vérifier les termes de votre contrat avant sa signature. Lorsque la loi ne prévoit pas d’obligation impérative sur un sujet, un adage juridique explique que « le contrat est la loi des parties »

Nous allons traiter le passage de l’édition traditionnelle à l’autoédition à travers deux parties :

Partie 1 : Autoéditer un livre en même temps que son exploitation par une maison d’édition à compte d’éditeur

Pour les mêmes exploitations

Dans ce cas de figure, vous avez conclu un contrat d’édition avec une maison d’édition à compte d’éditeur. Vous avez cédé un certain nombre de vos droits patrimoniaux à la maison d’édition. Si votre contrat est fait dans les règles, y figurent normalement les exploitations que votre maison d’édition prévoit de faire de votre manuscrit : livre imprimé, livre numérique, produits dérivés, etc. Cette liste d’exploitation varie en fonction des politiques de chaque maison et de votre négociation avec elle.

Pour exactement le même livre (en cas de clause d’exclusivité)

Imaginons que vous avez cédé vos droits pour que la maison d’édition publie aussi bien votre livre au format papier qu’au format numérique. Or, vous désirez également autopublier votre livre au format numérique grâce à Kobo Writing Life. Comment faire pour savoir si vous en avez le droit ?

Le premier réflexe à avoir, c’est d’aller vérifier votre contrat d’édition. Votre contrat peut contenir ce que l’on appelle une « clause d’exclusivité ». La clause d’exclusivité signifie que vous vous engagez, pour la durée de votre contrat d’édition, à ne pas céder vos droits à une autre personne ni à les exploiter vous-même. En pratique, cette clause est présente dans la majeure partie des cas. Les éditeurs à compte d’éditeur financent votre livre, prennent des risques financiers et veulent avoir un retour sur investissement. C’est pourquoi ils ne veulent pas que quelqu’un d’autre leur fasse concurrence pour la publication et la commercialisation d’un même ouvrage.

Cette clause d’exclusivité n’est pas forcément intitulée de cette manière par un article complet au sein de votre contrat. Elle est souvent insérée au sein d’autres clauses, soit en début de contrat, soit au sein des articles qui concernent les droits que vous cédez. Elle est souvent formulée de cette manière : « L’auteur cède à titre exclusif à l’éditeur le droit de […] »« l’auteur cède à l’éditeur le droit exclusif de […] ».

Ainsi, si vous possédez une clause d’exclusivité, il ne vous sera pas possible d’exploiter en autoédition les mêmes droits que vous avez déjà cédés. Dans notre exemple, si vous avez cédé vos droits numériques à titre exclusif, vous ne pourrez pas, pendant toute la durée de votre contrat d’édition, autoéditer ce même livre au format numérique. Si vous le faites, vous devenez contrefacteur de votre propre livre, et risquez au pénal jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Au civil, vous devrez en plus des dommages et intérêts à votre éditeur.

Pour exactement le même livre (sans clause d’exclusivité)

Si aucune clause d’exclusivité n’est prévue au sein de votre contrat (ce qui est extrêmement rare), vous pourrez dans ce cas autoéditer votre livre en même temps que sa publication en maison d’édition.

Néanmoins, vous ne pourrez pas reprendre la couverture ou les illustrations réalisées par votre maison d’édition, la mise en page de votre livre, qui elles, appartiennent à la maison d’édition. Vous devrez donc refaire une autre couverture, refaire d’éventuelles illustrations, et faire une mise en page différente.

Pour un livre qui a été modifié (en cas de clause d’exclusivité)

Et quand est-il si vous possédez une clause d’exclusivité, mais que vous modifiez votre livre et certains passages pour pouvoir l’autoéditer ?

Ce n’est malheureusement pas suffisant pour échapper à l’application de la clause d’exclusivité. En effet, bien souvent les contrats d’édition comportent une « clause de garantie ». Par cette clause, vous garantissez à l’éditeur la « jouissance paisible » des droits que vous lui avez cédés. En clair, vous dites à l’éditeur que vous n’avez effectué aucun plagiat et que vous n’en allez pas en créer non plus à l’avenir. Si vous autopubliez le même livre que vous aurez légèrement modifié entre temps, l’éditeur pourra avoir un préjudice (vous lui ferez concurrence). Et par la clause de garantie, vous vous engagez à lui réparer son préjudice. Il pourra donc, en plus de la contrefaçon effectuée, se retourner contre vous.

De plus, il arrive que certains contrats d’édition prévoient, en sus de la cession des droits sur votre livre, la cession des droits sur les personnages et l’univers issus du livre. Ce qui signifie que la simple reprise d’un personnage ayant les mêmes caractéristiques, peut constituer une contrefaçon, quand même bien l’histoire racontée serait modifiée. 

Pour créer une suite d’un livre publié en maison d’édition

Maintenant, imaginons que vous souhaitez autoéditer une suite d’un de vos livres qui a été publié par une maison d’édition. Là aussi, pour savoir si vous en avez le droit, il va falloir vérifier le contrat d’édition de votre premier livre.

La première chose à vérifier, c’est regarder si vous avez cédé vos droits pour les personnages et l’univers de votre premier roman. Si oui, vous ne pourrez pas autoéditer votre suite. Vous devrez dans ce cas demander l’accord écrit et préalable de votre maison d’édition.

Si vous n’avez pas cédé les droits sur les personnages et l’univers, vous pouvez passer à la deuxième étape de vérification.

La deuxième chose à vérifier, c’est regarder si vous possédez un « pacte de préférence » au sein de votre contrat. Par un pacte de préférence, vous vous engagez à proposer vos prochains livres du même genre (ou la suite de votre livre) en priorité à votre éditeur actuel. Ce n’est que s’il refuse le manuscrit que vous pourrez dans ce cas l’autoéditer. Cette clause de préférence est encadrée par la loi. Elle a doit à ce titre être limitée aux cinq nouveaux ouvrages à compter du jour de la signature du contrat d’édition ou bien être limitée à cinq années à compter de la signature du premier contrat d’édition. Par ailleurs, lorsque l’éditeur bénéficiant du droit de préférence aura refusé successivement deux nouveaux ouvrages présentés par l’auteur dans le genre déterminé au contrat, l’auteur pourra reprendre sa liberté quant aux œuvres futures qu’il produira dans ce genre.

Ainsi, si vous possédez une clause de préférence, il convient de regarder si elle est toujours en vigueur. Si oui, vous devrez proposer d’abord votre manuscrit à votre éditeur. Ce n’est que s’il le refuse que vous pourrez l’autoéditer. 

Si vous ne possédez pas cette clause, et que vous n’avez pas cédé vos droits pour les personnages et l’univers, vous pourrez autoéditer votre suite sans avoir besoin de demander une quelconque autorisation à votre éditeur.

Pour des exploitations différentes

L’étendue de la cession des droits et leur destination dépend de ce qui est inscrit dans votre contrat. Certains éditeurs publient uniquement des livres numériques, d’autres uniquement des livres imprimés, et d’autres les deux.

Imaginons à présent que votre contrat contienne uniquement une cession de droits pour publier votre livre au format imprimé. Si aucune cession de vos droits n’intervient pour publier un livre numérique, vous êtes donc libres d’autoéditer votre livre au format numérique. Les exploitations sont alors différentes de celles qui sont prévues dans votre contrat. Attention là aussi, vous ne pourrez pas reprendre la couverture, les illustrations et la mise en page qui ont été réalisés par votre maison d’édition.

Partie 2 : Autoéditer un livre après son exploitation par une maison d’édition

L’autoédition du livre à la fin de la durée du contrat d’édition

La durée d’un contrat d’édition peut varier. La loi indique simplement que la durée maximale est celle du droit d’auteur, à savoir toute la durée de la vie de l’auteur et jusqu’à soixante-dix ans après sa mort. Au-delà, le livre tombe dans le domaine public.

Ainsi, certains contrats peuvent avoir une durée définie ; et d’autres n’auront pas de durée précise et seront conclus pour toute la durée légale du droit d’auteur.

Pour ceux qui ont une durée limitée, il est possible d’y mettre un terme à la fin de sa période de validité. Souvent, il s’agit d’une durée avec tacite reconduction : c’est-à-dire que si vous ne dénoncez à son terme, le contrat se poursuit. Mais si vous souhaitez autoéditer votre livre pour lui donner une seconde vie au bout de ce terme, vous devrez donc suivre la procédure inscrite dans votre contrat. La plupart du temps, il s’agit d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception à votre maison d’édition quelques mois avant le terme du contrat (généralement entre 6 et 3 mois avant la fin du contrat), lui indiquant que vous ne souhaitez pas poursuivre le contrat. L’éditeur est ensuite censé vous répondre au terme de votre contrat avec un arrêté des comptes définitifs et vous indiquant qu’il vous « rend » vos droits.

La reprise de ses droits d’auteur et la rupture d’un contrat d’édition dont la durée n’a pas expiré

Si votre contrat d’édition est toujours en application, mais que votre éditeur ne respecte pas ses obligations, il est possible de le mettre en demeure et de rompre le contrat d’édition s’il ne s’exécute pas à la suite de cette mise en demeure. Après cette rupture, il vous sera possible d’autoéditer votre livre pour lui donner une seconde vie, à condition là aussi, de changer de couverture et de mise en page.

Il existe 7 cas de résiliation d’un contrat d’édition lorsque votre maison d’édition ne respecte pas ses engagements. Chaque cas de résiliation obéit à des règles légales très précises de mise en demeure et de délais. Dans un souci de concision, ces règles ne seront pas détaillées. Ainsi, si un de ces cas se présente pour vous, je vous invite à demander plus d’informations juridiques auprès d’un juriste, d’une société d’auteur ou d’un syndicat, ou bien auprès d’un avocat. Vous pourrez également trouver sur mon site internet des modèles de lettres de mise en demeure et de résiliation d’un contrat d’édition.

  1. La résiliation pour non-publication du livre dans les délais : la signature d’un contrat d’édition oblige l’éditeur à le publier.
  2. La résiliation pour épuisement du stock du livre imprimé (si deux demandes de livraison d’exemplaires adressés à l’éditeur ne sont pas satisfaites dans les trois mois) ;
  3. La résiliation pour manquement de l’éditeur à l’obligation d’exploitation permanente et suivie : l’éditeur doit tout mettre en œuvre pour vendre votre livre(il doit présenter l’ouvrage sur les catalogues, indiquer sa disponibilité dans les bases de données, rendre l’ouvrage disponible dans une qualité respectueuse de l’œuvre, livrer les commandes des libraires dans des délais raisonnables, etc.) ;
  4. La résiliation pour absence de reddition des comptes (la « reddition des comptes » est un document présentant le nombre d’exemplaires vendus durant le semestre ou bien l’année écoulée et le montant que doit toucher l’auteur au titre de ces ventes) ;
  5. La résiliation pour absence de paiement des royalties ;
  6. La résiliation pour absence de ventes (cette résiliation n’est possible que 4 ans après la date de publication du livre et si et seulement si les états de compte ne font pas apparaître de droits pendant 2 années consécutives) ;
  7. La résiliation pour destruction totale des exemplaires imprimés.

La fermeture de la maison d’édition

La maison d’édition peut aussi faire face à des difficultés. Avant sa fermeture, elle peut être placée en procédure de sauvegarde ou en redressement judiciaire. Aux termes de la loi, ces deux procédures collectives n’entraînent pas la résiliation de votre contrat d’édition. 

En revanche, en cas de liquidation judiciaire ou bien si la maison d’édition cesse définitivement ses activités, vous pouvez récupérer vos droits. En cas de liquidation judiciaire, vous récupérez vos droits sans formalités lorsque la liquidation judiciaire est prononcée. À défaut de liquidation judiciaire prononcée, vous récupérez vos droits, sans formalités, 6 mois après la date de cessation d’activité.

Les autres cas de rupture d’un contrat d’édition

Est-il possible de rompre un contrat d’édition si l’on ne se situe dans aucun de ces cas de figure ? Tout d’abord, l’éditeur peut lui aussi rompre le contrat si vous le ne respectez pas. 

Pour le reste, et bien… la loi n’encadre pas d’autres possibilités. Bien entendu, il est toujours possible de s’entendre à l’amiable avec sa maison d’édition et de rompre le contrat d’édition d’un commun accord. Mais cette possibilité est au bon vouloir de l’éditeur et n’est en rien un droit garanti.


Après la lecture de cet article, vous sentez-vous prêt à donner une seconde vie à vos livres édités en maison d’édition ?


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Littéraire dans l’âme, sa pratique du droit se complète à une sensibilité artistique la conduisant à prendre en considération toutes les étapes de création d’une œuvre. Dans cet objectif, elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre. Celui-ci est aussi bien à destination des auteurs que des éditeurs et a pour rôle de réunir les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Si d’ailleurs vous souhaitez approfondir certaines questions ou thématiques abordées au sein des articles juridiques présents sur Kobo Writing Life, le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre est fait pour vous ! 
En plus de ses activités de juriste et d’autrice, Elvire Bochaton est également rédactrice juridique, conférencière et formatrice pour délivrer de l’information juridique aux auteurs et les accompagner durant tout leur processus créatif et de publication. 
Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. 
Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite

1 réflexion au sujet de “Puis-je autoéditer un livre déjà paru en maison d’édition ?”

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