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Comment faire traduire son roman autoédité ?

L’autoédition révolutionne la manière dont les livres sont publiés et distribués dans le monde. En autoédition, c’est à l’auteur de décider de tout, y compris de la traduction de son livre. Une fois que vous avez autoédité votre livre dans une langue, il peut être tentant d’explorer de nouveaux horizons en le traduisant dans d’autres langues. La traduction de votre livre peut vous aider à toucher un public international plus large et à réaliser votre rêve d’être lu dans le monde entier. Mais comment procéder de manière légale ? Quels sont les aspects juridiques à prendre en considération dans la traduction de votre livre ?

Vérifier les droits dont vous disposez

Si votre livre n’a été publié qu’en autoédition, vous êtes certains d’avoir les droits de traduction sur votre texte personnel.

En revanche, si votre livre a été publié en maison d’édition, par exemple en version imprimée, et que vous avez autoédité la version numérique, il est probable que ce soit votre maison d’édition qui dispose des droits de traduction de votre livre. Dans ce cas, il faudra regarder ce que votre contrat prévoit. Et si les droits de traduction sont bels et bien cédés à titre exclusif à l’éditeur, vous ne pourrez pas autoéditer de traduction. Vous devrez d’abord négocier avec lui pour récupérer ces droits.

Au-delà des droits sur votre propre texte, il faut vérifier également que vous disposez bien des droits d’auteur sur les contenus qui ne vous appartiennent pas : droits sur la couverture, droit sur les éventuelles images ou illustrations, droits sur les textes d’autres personnes que vous avez éventuellement utilisés avec autorisation, etc. Vous pouvez très bien avoir obtenu les droits sur ces contenus que uniquement pour une utilisation en langue française en France. Les autorisations, licences et cession de droit doivent en effet contenir un certain nombre de mentions obligatoires, et notamment l’étendue des droits concédés (le droit de traduire ou non) ainsi que les langues de publication autorisées et les pays de publication.

Traduire soi-même son livre

Si vous parlez une ou plusieurs langues, vous pouvez vous-même traduire votre livre dans une de ces langues. 

L’un des avantages les plus évidents de la traduction réalisée soi-même est que vous connaissez votre propre livre mieux que quiconque. Vous pouvez ainsi vous assurer que chaque mot, chaque nuance et chacune de vos intentions soient conservés dans votre traduction.

Cela a aussi des avantages en termes de coûts. Vous n’avez pas de traducteur à rémunérer et cela peut être une option attrayante, surtout si vous avez des ressources limitées. Enfin, cela évite de devoir prospecter et de devoir réaliser un contrat avec un tiers.

Cependant, traduire un livre n’est pas anodin. Certaines personnes peuvent être bilingues et ne pas être en capacité d’effectuer une traduction de bonne qualité. Traduire requiert un niveau de langue très avancé pour produire une traduction de qualité. Il faut savoir transposer d’une langue à une autre certaines expressions et savoir adapter son niveau de langage. Ce n’est donc pas forcément parce que l’on parle une autre langue que traduire soi-même son livre est toujours judicieux. En effet, en tant qu’auteur, vous êtes profondément investi dans votre travail, ce qui peut rendre difficile la prise de distance nécessaire pour évaluer objectivement la qualité de votre traduction. 

Enfin, la traduction est aussi un processus intensif en termes de temps et d’énergie. Le temps que vous allez consacrer à la traduction de votre livre sera du temps en moins pour d’autres engagements voire pour l’écriture de votre prochain livre. 

Faire traduire son livre par un traducteur

Faire traduire son livre par quelqu’un d’autre nécessite de faire confiance à cette autre personne. C’est lui confier son œuvre et espérer qu’elle la rendra fidèle à l’originale dans une autre langue. Le choix du traducteur est donc un point essentiel.

Les auteurs autoédités pensent souvent à regarder les disponibilités du traducteur, son délai de réalisation et ses tarifs. Mais il est aussi primordial d’examiner avec précision ses compétences linguistiques, ses éventuels diplômes ou certifications, ses expériences, les avis de ces autres clients, son portefeuille de traductions antérieures, etc.

La qualité de coauteur du traducteur

Le traducteur est considéré comme un auteur par la loi. L’article L.112-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet que «Les auteurs de traductions […] des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale».

Votre traducteur a donc la qualité de coauteur dans les langues qu’il a traduites et dispose de droits d’auteurs sur sa traduction. Un traducteur n’est pas un scribe : il sélectionne lui-même les mots qu’il veut utiliser, il va transcrire des expressions parfois intraduisibles, donner du rythme aux phrases qu’il traduit, etc. Tous les traducteurs ne traduiront pas un même passage de la même manière. Et c’est parce qu’il y a une part créative dans son métier, parce qu’il met une part de sa personnalité et de sa sensibilité dans ce qu’il traduit, qu’il devient coauteur. 

En tant que coauteur, le traducteur dispose donc d’un droit patrimonial et d’un droit moral.

Au titre de son droit moral, son nom devra figurer aux côtés du vôtre sur la couverture, voire également dans les mentions légales. Le nom du traducteur doit également apparaître sur tous les documents faisant référence à la publication de la traduction : catalogues, site de web de l’auteur autoédité, plateformes de vente, plateformes d’autoédition, communiqués de presse, etc.

La rémunération du traducteur

1. La rémunération au titre de la prestation

Tout d’abord, vous allez devoir rémunérer le traducteur au titre de sa prestation de traduction. Ce sera la rémunération au titre de la commande de la traduction (acte de création de la traduction). Certains traducteurs se font payer à la page, d’autres aux mots, d’autres à l’heure et encore d’autres à l’aide d’un forfait global.

2. La rémunération au titre de la cession de droits

La rémunération au pourcentage

Ensuite, puisque le traducteur est considéré par la loi comme un coauteur, vous allez devoir en plus lui verser une rémunération supplémentaire au titre de la cession de ses droits patrimoniaux d’auteur Il s’agit de la contrepartie en échange du transfert des droits de propriété intellectuelle sur la traduction créée. Elle compense l’autorisation d’utilisation de l’œuvre, telle que la reproduction, la distribution, la représentation publique de la traduction, etc. Une cession de ces droits d’auteur est en effet obligatoire pour que vous puissiez exploiter la traduction.

Selon l’article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle, cette rémunération au titre de ses droits d’auteur doit prendre la forme d’une rémunération proportionnelle, c’est-à-dire sous la forme d’un pourcentage sur chaque vente du livre traduit. Ce pourcentage se calcule en principe sur le prix de vente hors taxes du livre. Dans les pays où il n’y a pas forcément de prix unique du livre, le pourcentage peut être calculé sur les recettes hors taxes perçues par l’auteur édité.

À ce pourcentage, il est également possible d’ajouter une avance sur droits (nommée également « à-valoir ») comme le font certaines maisons d’édition. Cette pratique de l’avance est facultative dès lors que vous êtes en capacité d’indiquer dans le contrat le nombre d’exemplaires de votre premier tirage imprimé (article L.132-10 du Code de la propriété intellectuelle). S’il s’agit d’impression à la demande ou d’un livre exclusivement numérique, l’avance sera obligatoire.

L’avance est un montant minimum garanti au traducteur. C’est le paiement minimum qu’il obtiendra au titre de ses droits d’auteur. L’avance n’est pas considérée comme la rémunération du travail de création, mais bel et bien comme le paiement des droits d’auteur de manière anticipée. Ce n’est que lorsque le montant des droits d’auteur dus au traducteur a dépassé celui de l’avance, que vous lui verserez un pourcentage.

La rémunération au forfait

Bien souvent, les auteurs autoédités ne proposent qu’un forfait au traducteur. Or, d’après le Code de la propriété intellectuelle, le forfait n’est que l’exception. Cette exception peut être mise en œuvre dans une des situations suivantes :

  • Lorsqu’il n’y a pas de base de calcul pour calculer la rémunération (par exemple si le livre est distribué gratuitement);
  • Lorsque la création est considérée comme accessoire (par exemple si le traducteur n’a traduit qu’un paragraphe sur l’ensemble du livre);
  • Ou dans d’autres situations à la demande du traducteur uniquement (article L.132-6 7 ° du Code de la propriété intellectuelle). Dans ce cas, il arrive que certains traducteurs proposent un forfait global comprenant le tarif de la prestation et le tarif de la cession de leurs droits.

Dans la plupart des autres cas, le traducteur doit toucher un pourcentage sur les ventes.

La contractualisation avec le traducteur

Vous allez devoir conclure un contrat de cession de droits avec le traducteur. Il n’existe pas de lois spécifiques l’édition de livres autoédités. Par conséquent, toutes les lois existantes s’appliquent à l’autoédition. Ainsi, lorsqu’un auteur autoédité publie l’œuvre d’un autre (traducteur en l’occurrence), il devient lui-même éditeur. 

De ce fait, l’auteur autoédité doit conclure un véritable contrat d’édition avec le traducteurLe contrat d’édition est en effet le contrat par lequel un auteur d’une œuvre de l’esprit (ici le traducteur) cède à des conditions déterminées le droit de fabriquer des exemplaires du livre ou de les réaliser sous forme numérique, à charge pour l’éditeur (auteur autoédité) d’en assurer la publication et la diffusion (article L.132-1 du Code de la propriété intellectuelle).

Le contrat d’édition est un contrat obligatoirement écrit, qui contient un certain nombre de clauses obligatoires. Parmi ces clauses, on trouve notamment :

  • L’identité des parties au contrat et les informations concernant leurs statuts juridiques (vos informations, mais aussi celles de votre traducteur) ;
  • La date de rendu de la traduction ;
  • La langue de la traduction ;
  • La durée de la cession des droits ;
  • Les droits cédés (droit de reproduction, de représentation, de traduction, droits imprimés, droits numériques, droits audio, etc.) ;
  • La destination des droits cédés (mise en vente de ce livre, usages promotionnels, etc.) ;
  • Les territoires de la cession des droits (dans quels pays sera exploitée la traduction) ;
  • Les langues d’exploitation du livre ;
  • Les obligations de l’auteur autoédité : obligation de publication, obligation d’exploitation permanente et suivie
  • La rémunération de la cession des droits du traducteur
  • En cas de rémunération sous forme de pourcentage, les échéances de paiement et d’envoi des relevés des ventes (c’est ce que l’on appelle la reddition des comptes) ;
  • Les modalités de résiliation du contrat (très encadrées par des dispositions législatives) ;
  • Les conditions de réexamen des conditions économiques du contrat pour la publication numérique du livre ;
  • La loi applicable et les juridictions compétentes en cas de litige ;
  • Etc.

À noter que selon la loi, les dispositions relatives au livre sous forme imprimée doivent se trouver dans une section distincte du contrat des dispositions relatives à la publication du livre sous forme numérique.

La rédaction d’un contrat d’édition est complexe et nécessite l’intervention d’un professionnel du droit pour éviter tout impair. Vous pouvez vous tourner vers un avocat pour qu’il rédige pour vous un contrat adapté à votre situation, ou vers un juriste si vous souhaitez plutôt un modèle à compléter par vous-même.

Les principales obligations de l’auteur autoédité à l’égard du traducteur

À la suite de la contractualisation de la cession des droits du traducteur par le biais d’un contrat d’édition, l’auteur autoédité a plusieurs engagements à respecter. Vous trouverez ci-dessous la description des principaux engagements (liste non exhaustive). 

Obligation de publication

L’auteur autoédité a par exemple une obligation de publication de la traduction. Cette date de publication peut être mentionnée dans le contrat. À défaut de mention dans le contrat d’édition, l’auteur autoédité a 18 mois pour publier la traduction à compter de sa remise prête pour l’impression pour les livres imprimés. Pour les livres numériques, ce délai est de quinze mois à compter de la remise de la traduction.

Remise d’un «bon à tirer»

Une fois la traduction remise, l’auteur autoédité devra envoyer au traducteur un « bon à tirer ». Le « bon à tirer » est un mot ancien provenant du langage de l’imprimerie. Cela signifie que l’auteur autoédité doit envoyer au traducteur le projet de livre prêt pour l’impression. Ce projet peut être au format papier ou numérique. Le traducteur pourra alors demander d’éventuelles modifications. Une fois validé, le livre prêt à être imprimé ne peut plus être modifié par l’auteur autoédité sans l’accord du traducteur. 

Obligation d’exploitation permanente et suivie

L’auteur autoédité a également une obligation « d’exploitation permanente et suivie » du livre traduit. Cela signifie que vous devez le présenter à la vente, et s’il est au format papier vous ne devez être en capacité d’honorer les commandes. 

Reddition des comptes

Par ailleurs, si vous rémunérez le traducteur par le biais d’un pourcentage sur les ventes, vous devrez aussi lui délivrer une fois par an (bientôt deux fois par an d’ici 2027) ce que l’on appelle une « reddition des comptes ». La reddition des comptes est un document récapitulant le nombre de livres vendus, leur prix de vente, le nombre d’exemplaires en stock (pour un livre imprimé), le pourcentage que touchera le traducteur, la base de calcul de ce pourcentage, le montant dû au traducteur, etc.

Conclusion

Traduire son livre est un projet excitant qui nécessite de prendre en considération certains aspects juridiques. Ces aspects ne doivent pas être vus comme des freins à votre projet, mais comme faisant partie intégrante de votre processus d’autoédition. C’est un voyage, et si l’on ne fait pas les choses dans l’ordre et dans les règles, le bateau risque de couler. 

Mais à présent que vous en savez plus et que vous avez une feuille de route, vous avez tout en main pour réussir ce voyage. Je vous souhaite donc une très belle publication de la traduction de votre livre !


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre qui réunit les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Dans le cadre de ses activités, Elvire Bochaton délivre de l’information juridique aux auteurs par email et par téléphone, réalise des conférences et des formations sur-mesure pour les particuliers et les entreprises et rédige des modèles de contrats et de documents juridiques. Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.


Vous pouvez la contacter en cas de besoin :
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite/

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