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Que faire si mon livre est mis en téléchargement illégal ?

Retrouver son livre en téléchargement illégal, c’est l’une des plus grandes peurs des écrivains. Les revenus provenant des ventes d’ouvrages sont souvent irréguliers et modestes, si en plus une partie est détournée, cela semble d’autant plus frustrant et injuste.

Si vous tapez le nom de votre livre sur un moteur de recherche, il y a un risque pour tomber sur des sites de téléchargements illégaux. Certains sont de « vrais » sites de téléchargement illégal : vous cliquez sur le titre de votre livre, et vous pouvez obtenir le fichier PDF ou ePub du livre. D’autres sites ne sont que des escroqueries : ils vous demandent votre numéro de carte bancaire pour vous dérober de l’argent, mais en échange aucun livre n’est accessible (ce n’est alors qu’un leurre).

Vous pouvez aussi être amenés à constater la mise en ligne de votre livre sur les réseaux sociaux ou bien sur un blog. Si vous êtes face à l’un de ces cas de figure, voici la procédure à suivre.

Pour les « vrais » sites de téléchargement illégal

Écrire à l’éditeur du site 

La première étape est de trouver qui est l’éditeur du site (celui qui gère le site) pour lui écrire une lettre de mise en demeure en lui demandant de retirer le contenu. Essayez de regarder dans les mentions légales si une adresse email est inscrite. En toute transparence, il y a peu de chances que cette simple lettre fonctionne. Néanmoins, il s’agit d’un prérequis nécessaire pour la suite de la procédure. La plupart du temps, ces sites sont basés à l’étranger, ce qui complique encore plus les démarches. 

Écrire à l’hébergeur du site

Si vous n’obtenez pas gain de cause auprès de l’éditeur, ou si aucun moyen de contact n’est mentionné, la seconde étape est d’écrire à l’hébergeur du site. De par la loi française, l’hébergeur n’a pas d’obligation générale de surveillance du contenu qu’il stocke. Il n’a pas non plus d’obligation générale de rechercher lui-même des faits illicites. Toutefois, dès lors qu’on lui notifie un contenu « manifestement illicite », il est réputé en avoir eu connaissance et doit agir « promptement » pour retirer ledit contenu.

Pour qu’il puisse en avoir connaissance, la loi L.C.E.N. de 2004 prévoit un mécanisme de notification. Cette notification prend la forme écrite, le plus souvent par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou par le biais d’un formulaire en ligne directement sur le site internet en question. Là aussi, pour trouver ces informations, il est conseillé de regarder si elles figurent dans les mentions légales en bas de page du site.

Vous pouvez rédiger vous-même la notification et demande de retrait du contenu à l’hébergeur, ou bien déléguer cette mission à un avocat. Dans tous les cas, cette notification doit contenir plusieurs séries d’éléments imposés par la loi :

  • La notification doit être datée.
  • Si l’auteur autoédité a une entreprise (statut d’artiste-auteur, microentreprise ou entreprise individuelle classique), il doit indiquer son nom, son prénom, sa profession, son domicile, sa nationalité, et sa date et son lieu de naissance.
  • Si l’auteur autoédité a une société, il doit indiquer la forme de sa société, sa dénomination, son siège social, et l’organe qui la représente légalement.
  • Le nom ou la dénomination sociale du destinataire de la notification, ainsi que son adresse.
  • La description des faits litigieux (contrefaçon de droit d’auteur) et leur localisation précise (lien vers le livre mis en téléchargement illégal).
  • Les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications des faits. En l’occurrence vous pouvez vous appuyer ici sur l’article L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle français qui dispose que : 

« Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit.
La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

Seront punis des mêmes peines le débit, l’exportation, l’importation, le transbordement ou la détention aux fins précitées des ouvrages contrefaisants.
Lorsque les délits prévus par le présent article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende ».

Ainsi que sur l’article L.335-3 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que :

« Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi ».)

  • La copie de la correspondance adressée à l’éditeur du site l’informant des activités litigieuses et demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou bien la justification que l’éditeur n’a pu être contacté.

À la suite de cette « notification », l’hébergeur doit agir « promptement » pour rendre inaccessible le contenu illicite. À défaut de réaction de la part de l’hébergement de manière prompte, vous pourrez engager sa responsabilité civile en justice. La loi ne définit cependant pas ce qu’il faut entendre par « prompt ». Il ressort des décisions de justice qu’il s’agit de quelques heures à quelques jours au maximum suivant la réception de la notification.

Porter plainte

En plus de courriers précédents, il vous est également possible d’agir au pénal en portant plainte au commissariat ou auprès du Procureur de la République. Cette action vous est ouverte dans un délai de trois ans à compter de la cessation de la contrefaçon. 

Signaler le contenu illicite sur PHAROS

PHAROS (Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements) est une plateforme en ligne créée et gérée par le Gouvernement français. Elle permet à chaque personne de signaler des contenus illicites en ligne.

Il est possible via cette plateforme de dénoncer un site de téléchargement illégal. Cependant, cela ne constitue pas le lancement d’une procédure judiciaire ou d’une procédure amiable de demande de retrait de contenu. Le signalement via PHAROS peut être une dénonciation supplémentaire en plus des autres moyens d’action que vous avez à votre disposition. 

Pour les « faux » sites de téléchargement illégal qui relèvent de l’escroquerie

Il n’y a là aucune atteinte à vos droits d’auteur puisque ces sites n’hébergent pas votre livre. Ils font seulement croire qu’il est disponible en téléchargement afin d’obtenir un numéro de carte bancaire. Dans ce cas de figure, à part signaler le site sur PHAROS ou bien porter plainte si vous avez été victime d’escroquerie bancaire, il n’y a pas beaucoup d’actions possibles. 

Pour les blogs ou comptes sur les réseaux sociaux qui proposent des livres en téléchargement illégal

Parfois, des blogs ou des groupes sur les réseaux sociaux peuvent contenir des liens vers des livres mis en téléchargement illégal. Il faut dans ce cas de figure aussi commencer par contacter l’éditeur du blog, ou bien le compte ayant mis ne ligne votre livre sur les réseaux sociaux en lui adressant une mise en demeure. Cette mise en demeure est à envoyer en courrier recommandé avec accusé de réception si vous disposez de l’adresse postale de la personne. Sinon, à défaut, un email ou un message privé pourra être envoyé.

En cas d’absence de réponse ou bien de refus de la part de l’éditeur du blog ou bien de la personne de retirer le lien vers le téléchargement de votre livre, vous pourrez adresser une notification à l’hébergeur en respectant le formalisme et les mentions obligatoires mentionnées plus haut. Par exemple, si un blog est hébergé via OVH, vous pourrez contacter OVH. Si votre livre est mis en ligne sur un groupe Facebook, vous pourrez notifier Facebook. En plus de cette notification, vous pouvez, là aussi, décider de porter plainte.

La prévention du téléchargement illégal

Il n’existe aucun moyen infaillible pour protéger votre livre du piratage. Il est possible d’ajouter des mesures techniques de protection (appelées également DRM pour digital rights management), qui sont des verrous numériques qui permettent d’empêcher certaines utilisations de votre livre. Mais, malheureusement, ces mesures techniques de protection peuvent être contournées par des pirates.

Hadopi et l’Arcom

Certains me diront : « Et Hadopi dans tout ça ? » Tout d’abord, Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) n’existe plus. Hadopi et le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) ont fusionné au 1er janvier 2022 pour devenir l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). L’Arcom a depuis repris les anciennes fonctions de Hadopi. Il n’est pas possible en tant qu’auteur autoédité de signaler à l’ARCOM un site mettant en téléchargement illégal votre livre. De plus, l’Arcom a plus pour mission de trouver et sanctionner les personnes s’adonnant au téléchargement d’œuvre mises en ligne illégalement que le recensement des signalements de sites illégaux. L’Arcom s’intéresse donc plus au consommateur final du téléchargement illégal et moins aux sites de téléchargement.

Des actions collectives et internationales

Bien qu’il existe les moyens que je vous ai exposés ci-dessus, faire tomber un site de téléchargement illégal est très difficile. Un auteur autoédité peut certes parfois obtenir le retrait de son livre d’un site en particulier, mais c’est une guerre de longue haleine. À lui tout seul, il ne pourra pas empêcher les sites de téléchargements illégaux d’exister. Des actions collectives existent, notamment sous l’impulsion du Syndicat National de l’Édition (SNE) et de quelques grands groupes d’édition. 

Par exemple, le 25 août 2022, la justice française qui avait été saisie par le SNE et quelques maisons d’édition a ordonné le blocage d’un site de téléchargement illégal de livres. Les fournisseurs d’accès internet français ont alors reçu l’ordre de bloquer ce site en France. Toutefois, ce site restait encore accessible si l’on passait par un fournisseur d’accès internet étranger ou par le biais d’un VPN étranger. Ainsi, même la justice française a des moyens limités en la matière puisqu’il lui est impossible de demander la destruction des serveurs (ceux-ci se trouvant un peu partout dans le monde). Au mois de novembre 2022, c’est la justice américaine qui a cependant réussi à bloquer définitivement les serveurs. 

Les outils de détection des liens illégaux

Il existe aujourd’hui quelques outils de détection des liens de téléchargements illégaux. Par exemple, la solution LeakID permet de détecter et de désindexer automatiquement des livres mis en téléchargement illégal. Ce type de solution reste cependant assez couteuse. Cela s’adresse plutôt à des éditeurs ayant un large catalogue, car plus il y a de livres à référencer, moins l’abonnement est cher. Pour un auteur autoédité, cela risque de ne pas être intéressant financièrement et c’est dommage. 

Quelques mots pour conclure

Il est ainsi difficile pour un éditeur de lutter contre le téléchargement illégal de ses livres, mais cela l’est encore plus pour les auteurs autoédités qui se retrouvent seuls face à ces démarches. Les quelques conseils donnés ici visent des démarches que l’auteur peut commencer seul. Mais en cas de piratage de grande ampleur de votre livre , il est conseillé de vous tourner vers un avocat.


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Littéraire dans l’âme, sa pratique du droit se complète à une sensibilité artistique la conduisant à prendre en considération toutes les étapes de création d’une œuvre. Dans cet objectif, elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre. Celui-ci est aussi bien à destination des auteurs que des éditeurs et a pour rôle de réunir les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Si d’ailleurs vous souhaitez approfondir certaines questions ou thématiques abordées au sein des articles juridiques présents sur Kobo Writing Life, le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre est fait pour vous ! 
En plus de ses activités de juriste et d’autrice, Elvire Bochaton est également rédactrice juridique, conférencière et formatrice pour délivrer de l’information juridique aux auteurs et les accompagner durant tout leur processus créatif et de publication. 
Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. 
Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite

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