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Que faire lorsque l’on est accusé de plagiat ou de contrefaçon ?

Le mois dernier, nous avons étudié le cas où vous avez découvert que quelqu’un s’est approprié vos écrits. Nous allons voir dans l’article de ce mois-ci le cas inverse : quelqu’un pense que c’est vous le contrefacteur ou le plagieur.

Dans cette hypothèse, vous avez certainement reçu un doux mot d’un autre auteur, voire d’un avocat, ou pire : la gendarmerie vous indique que quelqu’un a porté plainte contre vous. Nous allons voir comment réagir en fonction des situations.

Les cas de figure possibles (exemples non exhaustifs)

On vous accuse d’avoir repris l’idée de quelqu’un d’autre

Ce que vous devez vérifier : si l’on vous accuse d’avoir eu la même idée qu’une autre personne, il va falloir que vous regardiez si la manière dont vous avez développé cette idée est identique ou similaire (ou pas) à celle de l’autre personne. Par exemple, toutes les histoires se déroulant dans un monde magique et dans une école de magie (idée de base) ne ressemblent pas à Harry Potter.

Ce que vous pouvez répondre : une idée n’est pas appropriable en elle-même. Ce que le droit d’auteur protège, c’est la manière dont on exprime ses idées, c’est-à-dire la forme tangible qu’elles ont prise. Selon la formule d’un célèbre juriste nommé Desbois, on dit que « les idées sont de libre parcours ». Il n’est pas possible d’empêcher quelqu’un d’avoir la même idée qu’une autre personne. 

On vous accuse de vous être inspiré à tel point qu’il y a une ressemblance troublante entre les œuvres

Ce que vous devez vérifier : vous devez vérifier qu’il n’y a pas trop de ressemblances entre les deux œuvres. L’inspiration n’est pas sanctionnée, mais la présence de multiples ressemblances peut être considérée comme de la contrefaçon. Il n’y a pas de limite précise au sein de la législation entre inspiration et contrefaçon. Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, il n’y a pas de pourcentage légal de reprise autorisée. Les juges décident au cas par cas au regard des ressemblances entre les deux œuvres. 

Attention en revanche : les juges ne prennent pas en compte les différencesCela ne sert donc à rien d’argumenter sur les différences entre votre œuvre et celle de l’autre personne. À savoir également que votre bonne foi ne pourra pas vous protéger : même si vous ignoriez l’existence de l’œuvre que l’on vous reproche d’avoir copiée, vous êtes tout de même en tort aux yeux de la loi s’il s’avère qu’il existe trop de ressemblances entre cette œuvre et la vôtre.

Ce que vous pouvez répondre : l’inspiration est un processus naturel. Toute œuvre est née d’une inspiration. La loi ne sanctionne pas l’inspiration en tant que telle. Vous pouvez aussi démontrer que les ressemblances sont accidentelles et n’ont pas été intentionnelles.

On vous accuse d’avoir reformulé ou paraphrasé une œuvre existante

Ce que vous devez vérifier : paraphraser ou reformuler une œuvre est considéré comme un acte de contrefaçon de droit d’auteur. Vous devez donc vérifier que vous n’avez pas atteint aux droits d’auteur d’un tiers en reformulant ou paraphrasant un texte.

Ce que vous pouvez répondre : si votre écrit n’est pas une œuvre de fiction, mais une œuvre scientifique, juridique, historique, dont vous ne pouvez inventer les termes ou le déroulé d’une action, vous pouvez indiquer à votre interlocuteur que vous n’avez pas reformulé ni paraphrasé son œuvre, mais que vous étiez dans l’obligation de présenter les choses de cette manière, car ce sont les faits et vous ne pouvez les présenter d’une manière totalement nouvelle.

On vous accuse d’avoir copié mot à mot le texte d’un autre

Ce que vous devez vérifier : reprendre un texte mot à mot est considéré comme de la contrefaçon, sauf si cette reprise mot à mot est une citation.

Ce que vous pouvez répondre : demandez à régulariser la situation s’il ne s’agit pas d’une citation. Cela peut vous conduire par exemple à modifier de façon significative le passage en question. 

On vous accuse de ne pas respecter les conditions de l’exception de citation

Ce que vous devez vérifier : pour qu’une citation soit faite dans les règles, elle doit respecter 5 conditions cumulatives que vous trouverez dans un précédent article. Notamment, elle doit être courte. Cette condition est laissée à la libre appréciation de chacun. Là aussi, aucun pourcentage de reprise n’a été autorisé par la législation. Le caractère court de la citation doit être envisagé au regard de la longueur de l’œuvre qui est citée (citer le refrain d’une chanson peut être considéré comme long au regard de la courte durée d’une chanson), mais aussi au regard de la longueur de vos propres écrits (citer une phrase d’un autre auteur dans votre roman contenant plus de 300 pages peut être considéré comme court).  

Ce que vous pouvez répondre : vous pouvez démontrer en quoi, selon vous, les 5 conditions de l’exception de citation sont remplies. Si vous êtes en incapacité de le démontrer, demandez à régulariser la situation en corrigeant la ou les conditions qui font défaut. 

On vous accuse d’avoir volontairement ou involontairement oublié de demander une autorisation d’utilisation

Ce que vous devez vérifier : si vous ne rentrez pas dans le cadre de l’exception de citation, ou bien dans le cadre d’une autre exception au droit d’auteur, vous devez demander l’autorisation du ou des titulaires des droits pour reproduire, représenter, adapter, modifier, diffuser, distribuer, copier l’œuvre d’un autre (que ce soit en totalité ou bien seulement dans le cadre d’extraits). 

Il peut arriver que l’on oublie de demander l’autorisation nécessaire : par ignorance, par pur oubli ou bien volontairement (en se disant que l’on a peu de chances que l’on vienne nous embêter « pour si peu »).

Or, si vous vous autoéditez, c’est bien sûr vos épaules que reposent ces demandes d’autorisation et leur absence de demande le cas échéant.

Vous devez donc vérifier que vous n’aviez aucune autorisation à demander, ou bien si vous en avez demandé une, vérifiez le périmètre de cette autorisation. Peut-être qu’une autorisation vous avait été accordée, mais seulement pour une diffusion dans certains territoires ou pour une durée limitée.

Ce que vous pouvez répondre : demandez à régulariser la situation en cas d’oubli de demande d’autorisation.

On vous accuse d’avoir modifié une œuvre sans consentement

Ce que vous devez vérifier : modifier une œuvre, c’est l’adapter. Et les droits d’adaptation appartiennent à l’auteur ou au titulaire des droits s’il a cédé ses droits patrimoniaux. Vous ne pouvez donc modifier une œuvre sans avoir d’autorisation. Vous devez donc vérifier que vous aviez bien acquis les droits d’adaptation pour pouvoir modifier une œuvre préexistante, et, si oui, que votre modification ne constitue pas une atteinte à l’intégrité de l’œuvre initiale ou une dénaturation de celle-ci (l’auteur conserve toujours son droit moral et notamment son droit au respect de l’œuvre). 

Ce que vous pouvez répondre : demandez à régulariser la situation en cas d’oubli de demande d’autorisation.

On vous accuse de ne pas avoir mentionné le nom d’un auteur

Ce que vous devez vérifier : l’auteur conserve son droit moral en toute circonstance. Parmi les prérogatives de droit moral de l’auteur, il y a le droit au nom. L’auteur peut décider de rester anonyme, d’être sous pseudonyme ou d’utiliser son identité civile. Et s’il choisit un pseudonyme ou utilise son identité, son nom doit pouvoir être cité à côté de son œuvre, ou bien sur son œuvre (selon les cas). 

Ainsi, si vous effectuez une citation ou bien que vous parlez de l’œuvre d’un autre, n’oubliez pas de mentionner le nom de l’auteur.

Ce que vous pouvez répondre : en cas d’oubli de la mention du nom de l’auteur, demandez à régulariser la situation.

Réagir aux accusations

Je vous ai donné ci-dessus quelques exemples d’accusation de plagiat/de contrefaçon. Bien évidemment, il en existe d’autres. Dans tous les cas, et peu importe le motif invoqué, vous allez devoir passer une étape de collecte de preuves. Par exemple, vous pouvez essayer de trouver des preuves de votre création, pour démontrer que vous êtes bien à l’origine de votre œuvre. Vous pouvez aussi essayer de trouver tout type de preuve à l’appui de votre démonstration : preuves que les ressemblances sont fortuites, preuves que l’exception de citation est respectée, preuve de l’acquisition d’une autorisation en bonne et due forme, etc.

Une fois les preuves collectées et votre argumentaire préparés, il faudra ensuite coucher tout cela sur le papier en répondant par exemple à la lettre de mise en demeure qui vous a été adressée par l’autre personne. Il faut, autant que possible, rester factuel, garder son sang-froid, se montrer ferme, mais pas agressif.

Vous pouvez décider de prendre un avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle. À votre convenance, cet avocat pourra répondre pour vous à la lettre de mise en demeure que vous avez reçue. Si vous êtes assigné en justice, désigner un avocat sera un passage obligé.

Vous pouvez aussi décider de vous entendre à l’amiable au lieu d’aller en justice. Balzac aurait d’ailleurs lui-même affirmé qu’«un mauvais arrangement vaut mieux quun bon procès». S’entendre à l’amiable peut signifier : accepter tout ou partie des demandes de l’autre partie, accepter de verser une indemnisation en échange de renonciation à des poursuites judiciaires (c’est ce que l’on nomme une « transaction »), s’entendre sur le fait de retirer un passage litigieux de vos écrits, accepter d’indiquer une mention particulière, signer un accord de coexistence des deux œuvres, etc.

En cas de doute sur votre situation et sur les arguments que vous devez mettre en avant, n’hésitez pas à vous tourner vers un avocat.


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Littéraire dans l’âme, sa pratique du droit se complète à une sensibilité artistique la conduisant à prendre en considération toutes les étapes de création d’une œuvre. Dans cet objectif, elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre. Celui-ci est aussi bien à destination des auteurs que des éditeurs et a pour rôle de réunir les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Si d’ailleurs vous souhaitez approfondir certaines questions ou thématiques abordées au sein des articles juridiques présents sur Kobo Writing Life, le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre est fait pour vous ! 
En plus de ses activités de juriste et d’autrice, Elvire Bochaton est également rédactrice juridique, conférencière et formatrice pour délivrer de l’information juridique aux auteurs et les accompagner durant tout leur processus créatif et de publication. 
Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. 
Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite

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