Le sujet de votre livre, voyez-le comme le cœur d’une carte mentale. Ce cœur, il a plusieurs branches, qui toutes sont reliées au centre. Quand vous posez votre sujet au centre de la feuille ou du document Word, posez-vous les questions suivantes : est-ce que j’ai assez de racines en moi pour nourrir ce sujet ? Est-ce qu’il trouve un écho assez important, assez puissant au fond de moi pour que je puisse m’exprimer dessus durant de longues pages ? Pour que je puisse l’alimenter suffisamment ?
Mais comment le trouver, ce sujet ? Où puiser l’inspiration créatrice ? De quoi, de qui s’inspirer ? J’ai trois conseils qui, selon moi, sont essentiels, fondamentaux :
- Faites preuve d’empathie, mettez-vous constamment à la place des autres, dans leurs chaussures, dans leur peau.
- Travaillez votre sens de l’observation.
- Quand vous rencontrez de nouvelles personnes ou même quand vous êtes avec vos proches, apprenez à poser des questions et à écouter les réponses. Vous apprendrez ainsi avec le temps à entendre ce qui n’est pas dit.
Ces trois états vous permettront d’avoir les sens en éveil, et ainsi d’attirer à vous des idées diverses et variées.
Mais dans quoi puiser pour dénicher son sujet ? Voici 5 pistes à explorer :
- Puiser dans votre environnement quotidien
- Puiser dans votre vécu
- Puiser dans vos moments les plus intenses
- Puiser dans les faits divers
- Puiser dans la vie des personnes célèbres
1. Puiser dans votre environnement quotidien
Pour l’écriture de vos textes, puisez dans tout ce qui vous arrive dans votre quotidien, dans vos rencontres, même furtives. La vie dans son ordinaire le plus banal est une source inépuisable d’inspiration. Observez-la, observez les autres, regardez-les vraiment, avec un œil neuf, pas un œil qui juge, un œil empathique, et injectez du romanesque partout.
Exemple
Combien de fois par jour, par semaine, passe-t-on près de ces hommes (ce sont pour l’écrasante majorité des hommes) grands, vêtus de costumes noirs, souvent eux-mêmes noirs, qui stationnent de longues heures à l’entrée de nos boutiques, de nos supermarchés. Est-ce qu’on les regarde ? La plupart du temps, non. Regardez-les. Observez-les. Écoutez-les. Là où ils sont, il y a une histoire à imaginer, à raconter.
Peut-être est-ce un job d’étudiant ? Ou alors est-ce un père de famille ? Est-il séparé ? De quelle vie rêve-t-il pour ses enfants ? Qu’est-ce qui l’a amené là ? Quel lien il entretient avec les caissières, avec le personnel ? Et avec les clients ? Est-il discret ou plutôt bavard ? Avenant ou replié sur lui-même ? Renfrogné ou souriant ? Je le répète, le romanesque est partout, dans tous les interstices du quotidien. Dénichez-le et amusez-vous avec.
Conseil pratique
Si vous effectuez un trajet très régulièrement, pour aller au travail, à l’école, à l’université, pour sortir les enfants, vous croisez sûrement des gens et sûrement les mêmes personnes. Observez-les, regardez-les avec l’œil de l’écrivain, celui qui étudie les regards, qui interprète les gestes, qui examine des attitudes, des looks, qui analyse une posture, un maintien, et imaginez-leur un quotidien, une vie, des rêves, des projets, un vécu.
Exercice 1
Observez régulièrement un.e caissièr.e de votre supermarché, discutez chaque fois un peu avec elle.lui, et imaginez-lui une histoire au sein du magasin.
Exercice 2
Baladez-vous, prenez le bus, le métro, le tramway ou autre. Observez-y les gens. Prenez-y un personnage qui vous semble sortir du lot. Puis filez dans un parc, marchez-y encore, prenez-y une scène. Puis rentrez !
Avec ce personnage et cette scène, écrivez une histoire courte.
2. Puiser dans votre vécu
Avant tout et bien avant cet examen de l’énergie, du mouvement du monde et du quotidien, l’inspiration, puisez-la en vous ! Dans votre imagination, votre vécu, vos obsessions et vos sujets de prédilection. Vous n’êtes pas obligé d’avoir vécu des choses pour les raconter. Il est tout à fait possible de se projeter, d’imaginer, de se mettre à la place de quelqu’un, c’est là que l’empathie joue et permet beaucoup.
Le cas de l’autofiction
Si vous souhaitez écrire une autofiction, c’est en vous et en vous seul que vous puiserez l’inspiration. Mais, attention, il va vous falloir trouver la distance nécessaire à l’écriture. Ne restez surtout pas autocentré. Placez votre sujet, votre personnage, à distance. Même s’il vous ressemble en tous points, donnez-lui un prénom autre, considérez-le comme un personnage de fiction et, ensuite, habillez-le de vos états d’âme, de vos actes et des événements de votre vie que vous voulez lui rattacher. Sans cette distance, vous risquez de créer un personnage qui ne parle qu’à vous, et qui n’aura pas la dimension universelle dans laquelle le lecteur se reconnaîtra.
Et si vous choisissez de vous éloigner de vous-même pour écrire un roman avec des personnages que vous aurez travaillés, créés, inventés, vous verrez avec le temps que ces personnages, vous ne les dessinerez pas au hasard. Ils auront forcément des traits de personnes que vous avez rencontrées, de personnes de votre entourage, ils auront sûrement quelques traits de vos amis, un peu de vous-même aussi. On met un peu de nous en chacun de nos écrits. Même inconsciemment. Écrire, c’est s’écrire un peu chaque fois. Écrire, c’est aussi injecter dans son récit des fragments de rencontres, des bouts d’observations, du déjà vu quelque part.
Exercice 1
« La première fois que… »
À partir de ce début de phrase, écrivez le souvenir d’une première fois (première fois à l’école, première fois que vous avez rencontré quelqu’un, première fois que vous êtes allé quelque part, première fois que vous avez lu tel livre, etc.).Exercice 2
Choisissez un événement marquant de votre vie ou de la vie d’un de vos proches et racontez-le avec un style romanesque.Exercice 3
Choisissez une personne de votre entourage (famille ou amis proches) et faites-en un portrait assez détaillé en deux pages maximum.
3. Puiser dans vos moments les plus intenses
Les moments d’émotion intense, les moments de joie, de peine, d’euphorie ou de choc sont de grandes sources d’inspiration. Dans ces instants, vos sens sont sollicités à leur maximum. Utilisez-les ! Utilisez vos émotions, vos impressions, votre révolte, vos bouleversements intérieurs, vos observations, pour prendre un maximum de notes.
L’écriture dans ces moments a en plus de nombreux effets bénéfiques. Elle permet de déverser des émotions qui, trop longtemps contenues, pourraient nous perturber, nous chagriner, engendrer divers maux. C’est une sorte de thérapie par l’écriture qui pousse l’écrivain à plonger sa plume dans ses sentiments, dans ses troubles, dans ses traumatismes pour y puiser le plus de ressentis possibles et nourrir un récit qui touche son lecteur. Mais, attention, le risque est, comme pour l’autofiction, de ne pas savoir garder la bonne distance et d’avoir alors un texte plein de pathos, qui finit par fatiguer, voire pire, par répugner le lecteur. Prenez donc bien soin de trouver le juste recul sur votre histoire pour lui donner l’ampleur et la portée qui va la faire décoller.
Exemples
Pour tout vous dire, c’est dans ces moments précisément que j’ai puisé pour écrire mon roman intitulé Un territoire. J’y parle de la maladie et de ce qu’elle fait quand elle s’introduit dans une famille, et pour cela je me suis inspirée d’un choc réel, qui est survenu au sein de ma famille. Mais, autour de cette histoire personnelle, j’ai greffé d’autres personnages, d’autres lieux et d’autres faits totalement inventés, pour ne pas tourner en rond et éviter l’apitoiement à tout prix.
Autre exemple, celui du roman intitulé Voici venir les rêveurs de l’écrivaine Imbolo Mbue. Ce livre, l’autrice l’a écrit au cours d’une période difficile de sa vie d’immigrée aux États-Unis, alors qu’elle enchaînait les petits boulots tout en étant étudiante. En 2009, elle se retrouve brutalement au chômage suite à la crise des subprimes. Courant 2011, elle se balade à Manhattan quand elle voit des hommes d’affaires sortant des buildings pour s’engouffrer dans de belles voitures, très souvent conduites par des chauffeurs africains. Imbolo Mbue se demande alors comment ces personnes, qui se côtoient tous les jours, tout en ayant des vies très différentes, ont vécu la crise, chacun à leur niveau de l’échelle sociale. Ainsi est née l’idée de son roman, que je vous conseille fortement de lire.
Exercice 1
Prenez un souvenir marquant, un moment intense d’émotion, qu’il soit bon ou mauvais, qu’il vous ait touché personnellement ou que vous en ayez été témoin, et, à partir de cet événement, rédiger une prémisse (selon la terminologie de John Truby) : quelques lignes qui résumeraient une histoire bâtie à partir de ce moment intense.Exercice 2
Choisissez trois livres qui vous ont marqués et pour chacun d’entre eux, écrivez selon vous sur quel choc, quelle émotion, ces ouvrages sont bâtis.
4. Puiser dans les faits divers
Ayez le réflexe « faits divers » ! Je vous conseille fortement de trouver un ou plusieurs journaux relatant périodiquement des faits divers et de les consulter très régulièrement. La réalité dépasse souvent de loin la fiction, et vous trouverez dans le fait divers un vivier extraordinaire d’idées d’écriture. C’est vraiment une manne inépuisable qui a inspiré énormément de romanciers, classiques comme contemporains. Emparez-vous de ces affaires, petites ou grandes, drôles ou dramatiques, sensationnelles ou ordinaires, et faites-en la base de vos récits. C’est un très bon exercice d’écriture, puisque vous pouvez soit les raconter tel quel, soit broder tout autour de ces histoires pour les étoffer, laisser libre court à votre imagination et en faire le noyau d’un roman plus ample, plus fort encore.
Exemples
Un des maîtres contemporains du roman construit autour de faits divers est sans conteste Philippe Jaenada. Dans La Serpe, il revient sur l’affaire Henri Girard, un homme accusé en 1941 d’un triple meurtre. Et dans son ouvrage La Petite Femelle, il se penche sur l’histoire de Pauline Dubuisson, une femme accusée d’avoir tué son amant au début des années 1950. Mais au-delà du traitement admirable de ces faits divers par Philippe Jaenada, qui fait un travail titanesque de recherches et de compilation en amont, ce qui fait la grande force de ses livres, c’est la touche personnelle qu’il apporte : ses digressions pleines d’humour et ses considérations personnelles qui rendent son style unique et qui aèrent son texte pour le rendre extrêmement digeste et agréable.
Parmi les classiques, certains grands romans sont également inspirés de faits divers. C’est le cas par exemple du Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas. Edmond Dantès n’est autre que le double de Pierre Picaud, un cordonnier de Nice qui était sur le point d’épouser une femme belle et riche. Jaloux, « ses amis » le calomnient et il est emprisonné pour haute trahison le jour de son mariage. Il passe sept ans en détention, et fait la connaissance d’un prêtre italien qui, à sa mort, lui lègue un trésor caché à Milan. Picaud est libéré à la chute de l’empire en 1814. Il change alors d’identité, prend possession du trésor et se venge de ses anciens amis.
Et les exemples sont nombreux qui ont inspiré les écrivains. En 2016, Leïla Slimani publie Chanson douce et décroche le prix Goncourt. L’idée de son roman lui est venue après avoir lu dans un journal qu’à Manhattan, une nounou du nom de Yoselyn Ortega avait tué les deux enfants qu’elle gardait. Truman Capote, Flaubert, Morgan Sportès ou encore Emmanuel Carrère, ils sont légion les auteurs qui, à un moment de leur vie de romanciers, ont puisé dans ce vivier inépuisable qu’est le fait divers, pour écrire de grands romans.
Exercice 1
Prenez un fait divers et réinventez-le. Écrivez une toute autre histoire. Pour cela, modifiez les lieux, le contexte, l’époque, etc.Exercice 2
Choisissez un fait divers très médiatisé, placez-vous du point de vue du protagoniste principal et racontez les faits « de l’intérieur », avec une écriture très intimiste. Comment voit-il les choses ? Que ressent-il ? Qu’est-ce qu’il observe ? Comment vit-il la médiatisation ? Ce qu’on dit de lui et ce qu’il en pense ?
5. Puiser dans la vie des personnes célèbres
De nombreux écrivains se sont inspirés de tout ou partie de la vie de personnalités célèbres pour écrire des romans merveilleux. Ces vies hors normes comptent des épisodes, des événements, des actes qui interrogent, qui étonnent, qui détonnent, et ce sont alors autant de scènes et d’existences qui se prêtent tout à fait à l’écriture de romans passionnants.
Exemples
Le vendredi 3 décembre 1926, la reine du crime Agatha Christie embrasse Rosalind, sa fillette de 7 ans, elle laisse une lettre à sa secrétaire lui demandant d’annuler ses rendez-vous à venir, elle prend le volant de sa Morris Cowley et quitte sa maison en pleine nuit. Le lendemain, on retrouve sa voiture au bord d’un étang, elle n’est pas accidentée et les phares sont restés allumés. À l’intérieur du véhicule, la police retrouve des effets personnels de l’écrivaine, mais nulle trace d’Agatha Christie. Est-ce qu’elle s’est suicidée ? Est-ce qu’elle a été kidnappée ? Personne ne le sait. Tout ce qu’on sait après coup, c’est que Archibald, son mari, l’a quittée pour sa maîtresse, après lui avoir reproché de préférer ses livres à sa famille. Dix jours plus tard, Agatha Christie réapparait à un concert de jazz. C’est le batteur du groupe qui la reconnaît, et qui appelle son mari pour qu’il vienne la chercher. Jamais l’autrice ne donnera de détails concernant cette disparition, préférant dire qu’elle ne se souvenait de rien. C’est donc une brèche pleine de mystère qui reste ouverte dans la vie de l’autrice. Une brèche dans laquelle nombreux sont ceux qui se sont engouffrés pour construire diverses théories.
Ainsi, l’écrivain Gillian Flynn s’est inspiré de cette histoire de couple pour écrire son roman best-seller intitulé Les Apparences. Alfred Hitchcock lui, s’en est emparé pour son film The Lady Vanishes. L’écrivaine Brigitte Kernel, elle, a écrit sa propre version de la disparition de l’écrivaine dans son livre intitulé Agatha Christie, le chapitre disparu.
À partir d’un même événement, on voit donc que des auteurs construisent différentes histoires. Certains prennent le parti de raconter le couple, d’autres cherchent à combler les manques.
Le cas de la biographie romancée
Autre style, autre façon de faire : la biographie romancée. Dans son livre intitulé Sulak, Philippe Jaenada, raconte, avec son ton inégalé, la vie et l’œuvre de celui qui fut l’ennemi public n°1 et braqueur gentleman, Bruno Sulak.
Les biographies romancées sont nombreuse. Ainsi dans La petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon raconte la gymnaste Nadia Comaneci. Dans La redoutable veuve Mozart, Isabelle Duquesnoy retrace la vie de l’épouse de Mozart après la mort de ce dernier et montre comment Constanze Mozart a fait connaître la musique de son époux. Dans Rudik, Philippe Grimbert raconte le danseur Rudolph Noureev.
S’emparer d’une vie pour la raconter, c’est faire en sorte que le lecteur se passionnent pour cette vie, qu’ils en saisissent les forces et les failles, les nuances et les accomplissements. C’est montrer en quoi ces êtres humains sont extraordinaires.
Exercice 1
Si vous deviez écrire la vie d’une personne célèbre, quelle serait-elle et pourquoi ?Exercice 2
Choisissez un épisode, un événement de la vie d’une célébrité et construisez une histoire à partir de cette scène.
Dernières recommandations
Ayez toujours de quoi noter sur vous : un carnet, une application dédiée de votre téléphone, un dictaphone, à vous de voir ! Car les idées fusent et puis s’en vont. Si vous ne les notez pas, elles vous quittent et vont voleter au-dessus de la tête d’autres écrivains. Alors n’hésitez pas à noter, noter et encore noter. Vous vous constituerez ainsi une réserve de ce que John Truby, l’auteur de L’Anatomie du scénario, appelle les prémisses, c’est-à-dire l’ensemble d’un récit condensé en une seule phrase.
Vous voulez des exemples de prémisses qui ont donné des films marquants ? En voici :
Le cadet d’une famille de mafieux se venge des hommes qui ont tiré sur son père et devient le nouveau Parrain.
Prémisse du film Le Parrain de Francis Ford Coppola.
Alors qu’une princesse court un danger mortel, un jeune homme utilise ses talents de combattant pour la sauver et vaincre les forces maléfiques d’un empire galactique.
Prémisse de La Guerre des étoiles de George Lucas.
La prémisse, c’est votre inspiration du moment, la petite ampoule qui s’allume soudain, le moment où vous vous dites : ça, ça ferait une super histoire ! C’est cette excitation liée à l’idée qui jaillit qui va vous donner la persévérance qu’il faut pour passer des mois, voire des années, à écrire, raturer, effacer, recommencer, relire, douter, reprendre espoir, et arriver au bout enfin !
Assmaâ Rakho-Mom est écrivaine, podcasteuse, chroniqueuse littéraire et boulimique de livres. Elle aime par-dessus tout écrire, raconter des histoires, mettre en scène des récits. Le faire sur divers supports, via différents canaux, et avec des styles variés la stimule grandement. Assmâa Rakho-Mom a été journaliste, correctrice, directrice de collection dans l’édition, chroniqueuse littéraire, avant d’arrêter ces activités pour se consacrer à l’écriture. En parallèle, elle a développé Bookapax, un compte Instagram dédié au livre et à l’écriture, puis un podcast littéraire, leBookapax Podcast. Elle est l’autrice de trois romans : Les cellules de la galère, Le fils de Zahwa et Un territoire.
Merci pour ce partage très apprécié et motivateur