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Les 6 actualités juridiques du livre à connaître

Le propre des lois, c’est qu’elles sont amenées à changer en même temps que changent l’économie et les mœurs. Chaque année apporte son lot de nouvelles législations. Un adage très connu dit que « nul n’est censé ignorer la loi ». Ainsi, pour ne pas ignorer l’existence de règles spécifiques, il est important de s’informer sur le paysage juridique du monde du livre avant, pendant et après la publication de son livre. Les modifications législatives peuvent en effet avoir un impact majeur sur vos droits d’auteur, sur votre responsabilité, sur la publication de vos livres ou encore sur la diffusion et la vente de ceux-ci.

Cet article dresse un aperçu des actualités juridiques françaises de l’année 2023 touchant au monde du livre, et ce, afin que vous puissiez vous informer simplement en quelques minutes. 

1. L’imposition de frais de port obligatoires pour la vente en ligne de livres imprimés

C’est la plus grosse actualité de l’année. Comme vous le savez peut-être, il est impossible depuis 2014 d’offrir les frais de port pour l’achat en ligne d’un livre imprimé. Ainsi, en réaction à cette loi de 2014, de nombreuses plateformes proposaient les frais de port à 1 centime d’euro, puisqu’elles ne pouvaient plus les proposer gratuitement. Or, de nombreux libraires indépendants trouvaient cela injuste, car eux ne bénéficiaient pas des tarifs préférentiels postaux pour proposer des frais de port si bas. En outre, ils trouvaient que les consommateurs ne privilégiaient pas suffisamment l’achat de livres dans les librairies de quartier. Face à ces deux constats, la loi Darcos du 30 décembre 2021 a voulu imposer un tarif minimal de frais de port pour la vente vers la France de livres imprimés. Une consultation a eu lieu en 2022 pour déterminer ce tarif minimal. Celui-ci a été fixé à 3 € TTC (toutes taxes comprises) pour toute commande comprenant un ou plusieurs livres imprimés dont la valeur d’achat totale est inférieure à 35 € TTC. À partir de 35 € TTC d’achat de livre(s) neuf(s), le tarif peut revenir à 1 centime d’euro.

La Commission européenne a rendu un avis le 27 février 2023 au sujet de cette mesure. Elle a estimé que la France a adopté cette loi sans mesurer son impact par le biais de procédures d’évaluation et qu’elle aurait pu regarder s’il n’existait pas d’autres solutions pour atteindre le même objectif final. La Commission européenne s’est même demandé si la mesure prise ne serait pas contreproductive et n’aboutirait pas à l’inverse du but visé. Pour conclure, la Commission européenne a demandé à la France d’apporter la preuve que le paiement de 3 € TTC de frais de port serait la seule manière de « maintenir un réseau dense et diversifié de librairies et de garantir l’accès du public le plus large à la diversité et la qualité de l’offre éditoriale ».

À la suite de cet avis de la Commission européenne, la France a maintenu sa position. Un arrêté en date du 4 avril 2023 a officialisé ces fameux 3 € TTC de frais de port minimum pour toute commande comprenant un ou plusieurs livres et dont le montant total s’élève à moins de 35 € TTC. Cet arrêté est entré en application depuis le mois d’octobre 2023.

Cette mesure ne touche pas que les librairies en ligne. Elle concerne aussi les auteurs autoédités qui vendent eux-mêmes leur livre imprimé en ligne. Ainsi, si vous vendez des exemplaires de votre livre à un client et que la facture fait moins de 35 € TTC, vous devrez facturer au minimum 3 € TTC de frais de port. Cela peut être plus si vous le souhaitez.

Cette mesure ne concerne pas en revanche les livres numériques que vous publiez sur Kobo Writing Life!

2. Dépôt légal des livres jeunesse et « censure »

C’est le sujet qui a ébranlé la communauté littéraire cet été 2023. Dans un arrêté du 17 juillet 2023, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a interdit aux moins de 18 ans le livre Bien trop petit de Manu Causse publié aux éditions Thierry Magnier.

Selon le ministère, ce livre « manifestement destiné à la jeunesse, contient, à travers le récit d’une fiction imaginée par le personnage principal […] la description complaisante de nombreuses scènes de sexe très explicites ».

L’auteur et l’éditeur s’en défendent et indiquent qu’il s’agit d’un livre destiné aux adolescents. Le personnage principal du livre est en effet complexé par rapport à la taille de son sexe et ce livre a donc vocation à dédramatiser la situation.

Le ministère avait-il le droit de censurer ce livre ? Eh bien oui ! Une vieille loi du 16 juillet 1949 sur les livres dédiés à la jeunesse est toujours en vigueur et dispose que le gouvernement peut refuser des publications ou interdire des publications aux mineurs. En effet, tous les livres dédiés aux mineurs doivent, en plus du dépôt légal à la BNF, faire l’objet d’un dépôt supplémentaire auprès de la CSCPJ (Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse).

Néanmoins, ces prérogatives du gouvernement sont très peu utilisées. Il est donc rare qu’un livre soit interdit.
À la suite de cette interdiction, le Syndicat National de l’Edition (SNE) a demandé le 26 juillet 2023 une évaluation de cette loi et s’interroge « sur la cohérence et l’efficacité de règles définies il y a près de 75 ans, alors que n’existaient pas les principaux vecteurs actuels d’exposition des mineurs aux contenus visés par la loi ». Rendez-vous d’ici quelques mois pour connaître le rapport de cette évaluation.

3. L’ajout de la mention « occasion » lors de la vente d’un livre d’occasion

Un décret du 22 juin 2023 prévoit de nouvelles dispositions pour la vente de livres d’occasion. Ce décret concerne peu les auteurs autoédités, qui vendent rarement leur propre livre en occasion. Néanmoins, il est tout de même intéressant de connaître ce décret, ne serait-ce qu’en tant que lecteur de livres.

Tout d’abord, ce décret définit ce que l’on doit entendre par livre d’occasion. Au sens de ce décret, un livre d’occasion est « un livre qui, quel que soit son état matériel, a déjà été acheté ou reçu à titre gratuit par une personne pour ses besoins propres, excluant la revente ».

En second lieu, le décret dispose que dorénavant, lorsqu’un livre d’occasion sera vendu au milieu de livres neufs, la mention « occasion » devra être indiquée. Cette nouvelle disposition s’applique aussi bien aux ventes sur des lieux physiques (librairies, foires, salons, marchés, par exemples), que sur des plateformes de vente en ligne. Cette nouvelle disposition s’applique à partir du mois de décembre 2023.

4. Vers un encadrement plus strict des droits sur les contenus générés par les intelligences artificielles

Des députés ont déposé à l’Assemblée nationale, le 12 septembre 2023, une proposition de loi visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur. Notamment, celle-ci a pour objectif de requérir que toute personne utilisant un contenu généré par une IA appose la mention « œuvre générée par IA » ainsi que le nom des auteurs des œuvres ayant permis d’aboutir à une telle création. En résumé, cela permettrait plus de traçabilité et d’information. 

Cette proposition de loi n’est qu’au stade de projet : elle n’a pas encore été débattue par le Parlement ni encore fait l’objet d’un vote.

5. Le dépôt légal des livres numériques

Jusqu’à maintenant, les livres numériques qui sont publiés en France ne nécessitent pas de formalités de dépôt légal auprès de la BNF. L’auteur autoédité n’a donc rien à faire : le dépôt légal s’effectue automatiquement à l’aide de robots qui scannent tous les contenus Internet. 

La loi Darcos du 30 décembre 2021 (encore elle) est venue changer ce principe : les auteurs autoédités vont devoir effectuer un dépôt légal de leur livre numérique en plus des scans effectués automatiquement par les robots. Mais si le dépôt légal des livres numériques est acté dans la loi, les modalités de dépôt ne le sont pas encore. Ces modalités doivent être décidées par les organismes professionnels (notamment le Syndicat National de l’Édition) et par la Bibliothèque Nationale de France (BNF) et faire l’objet d’un accord. Or, depuis l’adoption de la loi, aucun accord n’est encore intervenu. Nous avons donc une loi qui pose un principe, mais pas encore d’application concrète ni même de date butoir. Restez donc connectés et attentifs dans les prochains mois.

6. Du changement pour les auteurs édités en maison d’édition

La rémunération des auteurs devra être « appropriée »

En 2019, une directive de l’Union européenne sur les droits d’auteur est intervenue. Elle préconise que les auteurs doivent avoir une « rémunération proportionnelle et appropriée ». La France a transposé cette obligation de rémunération de l’auteur dans une ordonnance du 12 mai 2021.

Or, la France n’a mentionné dans son ordonnance que le terme de « proportionnelle », et n’a pas indiqué « appropriée ». Face à cet oubli, le Comité pluridisciplinaire des artistes auteur (CAAP) et la Ligue des auteurs professionnels ont agi en Justice devant le Conseil d’État. Le 22 novembre 2022, le Conseil d’État a fait droit à la demande des auteurs et a annulé l’ordonnance du 12 mai 2021. Le législateur français a donc été enjoint à revoir sa copie. 

Le 17 octobre 2023, les députés français qui examinaient un projet de loi visant à sécuriser et régulariser l’espace numérique ont voté un amendement afin d’insérer la fameuse expression de «rémunération appropriée». À l’heure de la rédaction de cet article, le projet de loi n’est pas encore promulgué, il doit encore être examiné par une commission mixte composée de députés et de sénateurs, qui doit trancher sur les dispositions encore en discussion. Il est cependant fort probable que cette « rémunération appropriée » apparaisse dans le Code de la propriété intellectuelle en 2024.

Modification de certaines règles du contrat d’édition par le biais d’un accord interprofessionnel

Le 20 décembre 2022, un accord interprofessionnel entre les représentants des maisons d’édition et les représentants d’auteurs a été signé. Cet accord va faire évoluer le contrat d’édition dans les prochaines années. Les principales évolutions portent sur :

  1. La reddition des comptes et le paiement des droits d’auteurs : jusqu’à maintenant, ils avaient lieu une fois par an. À partir de décembre 2027, ils devront être effectués par la maison d’édition au moins deux fois par an (c’est-à-dire une fois par semestre).
  2. La reddition des comptes des auteurs payés par le biais d’un forfait : la reddition des comptes n’était pas obligatoire pour eux jusqu’à maintenant. Ils peuvent dorénavant en obtenir une s’ils en font la demande expresse auprès de leur éditeur.
  3. La sous-cession des droits d’auteur au format poche, club, traduction, etc. : l’éditeur devra à présent informer l’auteur s’il réalise une sous-cession des droits de l’auteur. Ainsi, en cas de sous-cession, l’éditeur doit envoyer le détail de chaque sous-cessions dans un délai de 3 mois maximum.
  4. Les droits des traducteurs : l’accord oblige l’éditeur à informer le traducteur d’un livre s’il perd les droits sur l’œuvre d’origine. Dans cette hypothèse, le traducteur a la faculté de résilier son contrat d’édition de traduction.
  5. La provision pour retour : la faculté offerte à l’éditeur de faire des provisions pour retour passe de 3 ans à 2 ans. 
  6. La fin d’un contrat d’édition : à la fin d’un contrat d’édition, l’éditeur dispose désormais des obligations cumulatives suivantes :
    • Procéder à un arrêt de commercialisation dans le mois suivant la résiliation du contrat ;
    • Proposer le rachat à l’auteur des stocks éditeurs, et à défaut les pilonner ;
    • Transmettre à l’auteur une reddition des comptes finale avec le nombre d’exemplaires pilonnés.

Vous savez à présent presque tout sur l’actualité juridique ayant eu lieu en 2023. Rendez-vous l’année prochaine pour d’autres nouveautés !


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre qui réunit les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Dans le cadre de ses activités, Elvire Bochaton délivre de l’information juridique aux auteurs par email et par téléphone, réalise des conférences et des formations sur-mesure pour les particuliers et les entreprises et rédige des modèles de contrats et de documents juridiques. Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.
Vous pouvez la contacter en cas de besoin.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite/

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