Qui ne rêverait pas de voir son livre adapté en film, en série ou en dessin animé ? Ce rêve peut devenir réalité pour certains. Nous allons décortiquer ensemble les étapes à franchir pour y arriver.

Première étape : trouver des contacts dans la production audiovisuelle
Votre livre est autoédité, ou bien vous avez publié votre livre en maison d’édition mais vous n’avez pas cédé vos droits d’adaptation audiovisuelle à votre éditeur. Dans ce cas, ce sera à vous de trouver des contacts de producteurs. La loi désigne le producteur d’une œuvre audiovisuelle comme étant la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre audiovisuelle. Mais comment faire pour trouver des contacts de producteurs ?
Méthode 1 : Connaître le milieu
Le plus simple est évidemment de déjà connaître le milieu et de déjà avoir des contacts. Mais tout le monde n’a pas forcément un carnet d’adresses aussi fourni.
Si ce n’est pas le cas, la première méthode consisterait à prospecter par vous-mêmes et de contacter directement des éventuels producteurs pour leur proposer votre projet.
Méthode 2 : Connaître le succès
Une autre méthode serait que votre livre soit un tel succès qu’un producteur vous contacte directement. Malheureusement, ce genre de situation n’arrive pas à tout le monde.
Méthode 3 : Faire appel à un agent littéraire
Enfin, la dernière méthode consiste à faire appel à un agent littéraire, qui, lui, dispose déjà de contacts.
Bonus : en plus de ça, il négociera les contrats avec le producteur directement en votre nom. De quoi vous débarrasser de nombreux tracas. De plus, vous n’avez pas besoin de payer l’agent littéraire. L’agent littéraire prendra directement un pourcentage sur vos droits d’auteur à venir en cas d’adaptation audiovisuelle de votre livre. Vous n’avez donc aucune somme d’argent à avancer.
Point négatif : il y a peu d’agents littéraires en France et ils sont assez sélectifs sur les projets qu’ils choisissent de défendre. Étant donné qu’ils ne sont payés qu’en cas de signature d’un contrat avec un producteur, ils ne prennent que les projets dont ils sont quasiment certains de la signature d’un producteur.
Deuxième étape (facultative) : un producteur veut signer avec vous un contrat d’option
À quoi sert le contrat d’option ?
Vous avez franchi l’étape la plus dure, celle de trouver le contact de producteur. Et bonne nouvelle, un producteur est intéressé pour adapter votre livre ! Cependant, le producteur n’est pas encore certain de trouver des financements, une équipe technique et artistique ainsi qu’un diffuseur pour cette adaptation (chaîne de télévision, studio de cinéma, plateforme de vidéo à la demande, etc.). Il a donc besoin de plus de temps pour prospecter de son côté et vérifier la viabilité du projet, mais ne souhaite pas que vous vendiez vos droits à un autre producteur durant ce laps de temps. Il peut alors vous demander de signer avec lui un contrat d’option. Tous les producteurs ne demandent pas la signature d’un contrat d’option. Néanmoins, c’est une pratique très courante.
Qu’est-ce que c’est, et que contient le contrat d’option ?
Le contrat d’option permet au producteur de se réserver l’exclusivité de l’adaptation audiovisuelle, pendant une certaine durée allant généralement d’un à deux ans. En contrepartie de cette exclusivité, il vous versera une somme d’argent, qui correspond à environ 10 à 15 % du tarif de la cession de vos droits.
Si le producteur trouve les financements nécessaires, il pourra alors « lever l’option » et se faire céder les droits d’adaptation audiovisuelle sur votre livre. La somme que le producteur vous aura versée à la signature du contrat d’option pourra, selon ce qui sera négocié au sein du contrat, venir en déduction de vos droits d’auteur à venir sur la cession de vos droits.
Si le producteur ne trouve malheureusement pas les fonds nécessaires pour financer l’adaptation audiovisuelle, il ne lèvera pas l’option et vous pourrez conclure un contrat avec un autre producteur de votre choix. La somme d’argent qu’il vous aura versée vous restera acquise : vous n’aurez donc pas besoin de la lui rembourser.
En vertu du Code du cinéma et de l’image animée, tous les contrats d’option doivent être publiés au sein du Registre du Cinéma et de l’Audiovisuel.

Troisième étape : un producteur a les financements nécessaires et souhaite signer avec vous un contrat de production audiovisuelle et de cession de vos droits d’auteur
Le moment de la signature de ce contrat
La signature de ce contrat de cession peut intervenir selon les cas :
- Soit en l’absence de contrat d’option (il sera alors un contrat unique) ;
- Soit après la levée de l’option (la levée d’option emportant alors obligation de le négocier) ;
- Soit concomitamment à la signature du contrat d’option (dans ce dernier cas, les deux contrats sont signés en même temps, et la levée d’option emporte application automatique du contrat de production et de cession). C’est le cas le plus classique.
Le contrat de production audiovisuelle, qu’est-ce que c’est ?
C’est le contrat qui sera conclu entre vous et le producteur et qui va permettre la production de l’œuvre. Ce contrat comporte une double cession de droits : tout d’abord, vous accordez au producteur les droits d’adaptation audiovisuelle de votre livre (le droit de faire un film, une série, un dessin animé), mais vous allez également lui céder les droits sur l’adaptation future qui sera faite par lui de votre livre (les droits sur le film, la série, le dessin animé).
Que contient le contrat de production audiovisuelle ?
Le contrat de production audiovisuelle est un contrat souvent très volumineux (entre 30 et 50 pages). Il est encadré par la loi et contient un certain nombre de clauses obligatoires :
- L’étendue et la destination de la cession des droits patrimoniaux que vous cédez au producteur pour qu’il puisse réaliser et exploiter l’adaptation audiovisuelle. Cela revient à lister les droits que vous accordez au producteur, et à déterminer les usages qui vont en être faits et sur quels supports. Généralement, les producteurs acquièrent les droits à la fois pour une volonté commerciale, mais aussi non commerciale (à vocation publicitaire comme les bandes-annonces par exemple). Voici une présentation succincte des droits souvent cédés au sein d’un contrat de production audiovisuelle :
- Le droit d’adaptation (le droit d’adapter votre livre en le transposant en film, en série, en dessin animé, le droit de doubler ou de sous-titrer l’adaptation…) ;
- Le droit de reproduction (le droit de réaliser un film, une série, un dessin animé, le droit de l’enregistrer par un procédé mécanique, le droit d’en faire des copies…) ;
- Le droit de représentation (le droit d’exploiter l’œuvre audiovisuelle en salles de cinéma, à la télévision, en DVD, sur Internet via des plateformes de streaming…) ;
- Les droits d’exploitation secondaires (le droit de faire des affiches du film, de la série, du dessin animé, le droit de faire et de diffuser le making of, le droit de faire une bande sonore) ;
- Les droits d’exploitation dérivés de l’adaptation qui sera réalisée (le droit de faire des produits dérivés issus du film, de la série, du dessin animé. Cela peut concerner par exemple le droit de faire des figurines, le droit de faire des articles de papèterie, le droit de faire des vêtements ou des sacs, etc.).
- Les droits d’exploitation dérivés de l’adaptation qui sera réalisée (le droit de faire des produits dérivés issus du film, de la série, du dessin animé. Cela peut concerner par exemple le droit de faire des figurines, le droit de faire des articles de papèterie, le droit de faire des vêtements ou des sacs, etc.).
- Le territoire de la cession de ces droits : cela peut être une liste de pays listée limitativement, mais généralement il s’agit du monde entier.
- Les langues de l’adaptation : il peut s’agir là aussi d’une liste de langues prédéfinies, mais il s’agit la plupart du temps de toutes les langues du monde.
- La durée de la cession des droits : celle-ci est rarement en dessous de 30 ou 35 ans. Souvent, la cession est conclue pour toute la durée des droits d’auteur, donc toute la vie de l’auteur et jusqu’à 70 ans après sa mort.
- L’exclusivité du contrat : là aussi, une exclusivité est prévue. Pendant toute la durée du contrat, vous ne pourrez pas conclure d’autres contrats avec d’autres producteurs portant sur la cession des mêmes droits. Cette exclusivité dépend des contrats, mais elle est souvent comprise entre 10 et 20 ans. Par exemple, si vous avez conclu un contrat pour produire uniquement un film qui sortira au cinéma, il vous sera possible de conclure un autre contrat pour faire une série. En revanche, si votre contrat comporte déjà ces deux volets, vous ne pourrez pas signer un contrat portant sur les mêmes droits.
- Les obligations du producteur envers l’auteur :
- La rémunération de l’auteur : lorsque le public paie un prix pour voir l’adaptation qui sera réalisée, le producteur verse à l’auteur une rémunération sous forme de pourcentage et proportionnelle au prix payé par le public (exemple : le prix payé par le public au guichet des salles de spectacles). Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer le prix payé par le spectateur, l’auteur touchera un pourcentage sur les recettes nettes part producteur (il s’agit de l’ensemble des recettes hors taxes, quelles qu’en soient la nature ou la provenance, réalisées et encaissées à raison de l’exploitation du film, de la série ou du dessin animé et de tout ou partie de ses éléments).
- La reddition des comptes de production : le producteur peut transmettre à l’auteur des documents permettant de vérifier les comptes de la production : moyens de financement, différentes dépenses engagées, montant du crédit d’impôt, solde du coût de l’œuvre restant à amortir, etc.
- La reddition des comptes d’exploitation : au moins une fois par an, le producteur doit envoyer à l’auteur un document établissant un état des recettes provenant de l’exploitation de l’œuvre distinguant chaque mode d’exploitation. Le Producteur est également tenu de joindre à cet envoi une copie des comptes d’exploitation transmis par les distributeurs. En plus de ces documents, l’auteur pourra demander toute justification permettant d’établir l’exactitude des comptes, et notamment la copie des contrats par lesquels le producteur a cédé à des tiers tout ou partie des droits dont il dispose.
- Le respect du droit moral de l’auteur : l’auteur pourra généralement lire la version définitive du scénario, même s’il n’a pas collaboré à son élaboration. Il pourra alors effectuer ses remarques, mais le producteur sera libre de les accepter ou non. Par ailleurs, le nom de l’auteur devra être cité au sein de l’œuvre audiovisuelle ou au sein de son générique. Si l’auteur estime que l’adaptation dénature son livre, il pourra demander à ce que son nom soit retiré du générique.
- L’exploitation suivie de l’œuvre audiovisuelle par le producteur. Le Code de la propriété intellectuelle indique que l’exploitation de l’œuvre doit être conforme aux usages de la profession.
- La conservation des éléments ayant servi à la réalisation de l’œuvre. Le contrat doit prévoir la liste des éléments ayant servi à la réalisation de l’œuvre et qui seront conservés (par exemple : les costumes, les négatifs, les masters, etc.) ainsi que leurs modalités de conservation respectives.
- L’inscription du contrat dans les Registres du Cinéma et de l’Audiovisuel, conformément au Code du cinéma et de l’image animée, ainsi que l’obligation d’obtenir un numéro international d’identification ISAN (International Standard Audiovisual Number).
Toutes ces clauses ne seront pas forcément nommées telles quelles dans le contrat. Elles peuvent être insérées au sein de clauses plus larges par exemple, voire parfois plus restreintes. Chaque contrat est unique, et chaque producteur utilise son propre modèle de contrat.
De plus, d’autres clauses peuvent apparaître, telles que celle décrivant les mesures techniques de protection de l’œuvre audiovisuelle contre la copie, celle indiquant les modalités de résiliation du contrat, celle expliquant le sort des données personnelles, etc.
Est-ce que l’auteur a son droit de regard sur l’œuvre audiovisuelle qui sera créée ?
Généralement, l’auteur a peu de marge de manœuvre sur l’adaptation qui sera faite de son livre. Dans le monde de l’audiovisuel, celui qui décide c’est souvent celui qui a l’argent, donc le producteur.
Ainsi, bien souvent, les contrats prévoient que le producteur détient une voix prépondérante dans les choix artistiques ou techniques qui seront effectués. De ce fait, il a souvent seul qualité pour désigner tous les collaborateurs, tant artistiques que techniques, du film, de la série ou de dessin animé.
Une clause du contrat peut toutefois prévoir qu’il peut solliciter l’auteur à titre consultatif sur le choix du personnel, mais aussi sur le contenu de l’œuvre audiovisuelle (scènes, dialogues, titre, etc.).
Le contrat peut aussi prévoir que l’auteur sera engagé en tant que scénariste, dialoguiste, voire réalisateur.
Certains auteurs préfèrent ne pas être impliqués, mais ceux qui veulent pouvoir participer à la réalisation devront donc négocier ces clauses avec précision.

Quatrième étape (facultative) : conclure avec le producteur en tant qu’auteur de l’œuvre audiovisuelle
Si vous participez à l’œuvre audiovisuelle en tant que scénariste, dialoguiste, réalisateur, ou autre, vous serez en outre considéré comme coauteur du film, de la série ou du dessin animé. Vous aurez donc encore un autre contrat qui prévoira vos obligations (date de rendu par exemple, marge de manœuvre), ainsi que votre rémunération pour ce travail et vos droits d’auteur en plus sur l’exploitation de cette œuvre audiovisuelle.
Quelques mots pour conclure
Vous connaissez donc à présent les grandes lignes des contrats audiovisuels, qui je vous l’accorde, sont complexes. En cas de volonté de signer avec un producteur, il est vivement conseillé de vous entourer de professionnels du droit pour vérifier que tous les contrats sont conformes à la législation.
Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition.
Elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre qui réunit les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre.
Dans le cadre de ses activités, Elvire Bochaton délivre de l’information juridique aux auteurs par email et par téléphone, réalise des conférences et des formations sur-mesure pour les particuliers et les entreprises et rédige des modèles de contrats et de documents juridiques. Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.
Vous pouvez la contacter en cas de besoin :
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
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