Information juridique pour les auteurs | Kobo Writing Life France

Quels types de droits d’auteur puis-je céder par contrat pour mon livre ?

Quelques rappels

Le droit d’auteur français se subdivise en deux monopoles distincts : d’un côté le droit moral, et de l’autre le droit patrimonial.

Le droit moral est un droit qui reste attaché à l’auteur, puis à ses héritiers. Il n’est pas possible de le céder à quelqu’un d’autre et il n’a pas de date de fin. Il contient : 

  • Le droit de divulgation (le droit de rendre ou non publique l’œuvre en question) ;
  • Le droit de paternité (le droit d’avoir son nom cité, ou de choisir un pseudonyme) ;
  • Le droit au respect de l’œuvre (respect matériel et spirituel qui permet de s’opposer à certaines utilisations de l’œuvre) ;
  • Et le droit de repentir et de retrait (droit d’interrompre ou d’arrêter définitivement l’exploitation de l’œuvre). 

De l’autre côté, le droit patrimonial est le droit qui permet de tirer ou non des revenus issus de son œuvre. Le droit patrimonial dure en règle générale toute la vie de l’auteur et jusqu’à 70 ans après sa mortCe droit octroie certaines attributions à son auteur ou à ses héritiers, mais celles-ci peuvent être cédées ou licenciées à une autre personne. 

C’est donc du droit patrimonial dont nous allons parler dans ce billet.

Dans le cadre de l’exploitation de votre livre, vous pouvez être amenés à conclure des contrats de cession ou de licence de vos droits. Par exemple, lorsque vous concluez un contrat d’édition à compte d’éditeur avec maison d’édition, vous lui cédez certains de vos droits patrimoniaux. Et lorsque vous autoéditez votre livre sur Kobo Writing Life, vous octroyez à Kobo Writing Life une licence sur certains de vos droits patrimoniaux. Il est donc important de comprendre ce que vous cédez ou licenciez à des tiers, et quels sont les droits dont vous disposez.

Différence entre contrat de cession et contrat de licence

La cession de droits patrimoniaux d’auteur pourrait s’apparenter à une vente : vous transférez la propriété de certains de vos droits intellectuels à une autre personne. Ces droits ne vous appartiennent plus après la signature du contrat, c’est alors votre cocontractant qui les exerce.

La licence, de son côté, s’apparente plus à un bail : elle n’entraine qu’un simple droit d’utilisation de certains de vos droits intellectuels à votre cocontractant. Vous en restez propriétaire. 

Dans le langage courant, on parle souvent de « cession » pour parler à la fois des licences et des cessions. Mais sachez que juridiquement il y a une petite nuance entre les deux.

Par exemple, un contrat d’édition est considéré comme un contrat de cession. Alors que les conditions d’utilisation de Kobo Writing Life sont une licence de certains de vos droits pour que Kobo Writing Life puisse vendre votre livre pour votre compte.

Les licences et les cessions sont des contrats règlementés par le Code de la propriété intellectuelle. Bien souvent, un contrat écrit est requis et nécessite un certain nombre de clauses obligatoires.

Ces clauses obligatoires sont : 

  • L’étendue de la cession/licence : quels droits patrimoniaux cédez/licenciez-vous ? Nous allons détailler un peu plus bas quels droits patrimoniaux vous pouvez cédez.
  • La destination des droits cédés/licenciés : quels usages va en faire votre cocontractant ? Est-ce pour publier votre livre ? Si oui, sur quels supports ? Est-ce pour le commercialiser ? En faire de la publicité ?
  • Le territoire de la cession/licence : dans quels pays va être vendu votre ouvrage ?
  • Les langues de publication de votre livre ;
  • La durée de la cession / licence : combien de temps le contrat va-t-il durer ?
  • La rémunération ou non de l’auteur ;
  • L’exclusivité ou non du contrat de cession/licence : est-ce qu’un tiers peut bénéficier du même type de contrat portant sur les mêmes droits patrimoniaux ?

Présentation de quelques droits patrimoniaux que l’auteur peut céder ou licencier

La liste qui va suivre est non exhaustive. Il existe de nombreux droits patrimoniaux et seuls les plus fréquemment cédés ou licenciés en matière de livres seront abordés.

Pour rappel, les droits moraux ne seront pas abordés, car ils ne sont pas cessibles ou licenciables. Si une personne vous demande de les lui céder, de les lui licencier, ou d’y renoncer, cette demande n’est pas légale en France et serait jugée nulle devant un tribunal.

En général, lors de la conclusion d’un contrat, plusieurs droits patrimoniaux sont cédés ou licenciés en même temps.

Le droit de reproduction 

La première prérogative est le droit de reproduction. Aux termes de la loi, la reproduction, c’est la fixation matérielle d’une œuvre par tout procédé qui permet de la communiquer au public de manière indirecte. En conséquence, lorsque l’œuvre (votre livre) est fixée sur un support, qu’il soit physique ou numérique, il s’agit d’un acte de reproduction. Reproduire, c’est faire un acte de copie, de duplication. Sont ainsi considérés comme des actes de reproduction : l’impression, la copie de fichiers numériques, la gravure, le dessin, l’enregistrement mécanique, la photographie, etc. 

En ce qui concerne votre livre, la reproduction d’un livre cela peut être son impression en un certain nombre d’exemplaires, dans son édition principale, reliée, brochée, en édition de poche, en édition club, en édition de luxe ou de demi-luxe, au sein d’anthologie ou de recueil avec d’autres œuvres, etc.

Tous ces actes de reproductions ne seront pas forcément à autoriser. Il s’agit ici d’exemples fréquemment mentionnés au sein des contrats d’édition. Mais n’oubliez pas qu’un contrat se négocie. Vous pouvez accepter certains actes de reproduction et en refuser d’autres. Un cocontractant qui refuserait toute tentative de négociation est une personne dont il convient de se méfier.

Le droit de représentation

La deuxième prérogative est le droit de représentation. Il s’agit de la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque. Contrairement aux droits de reproduction, c’est toute forme de communication de l’œuvre sans fixation sur un support. Cela renvoie à l’acte de montrer l’œuvre (donc votre livre) à un public. Par exemple, constituent des représentations : la lecture d’un texte lors d’une lecture publique, la récitation publique, l’exécution lyrique comme le chant ou l’opéra, la représentation dramatique, la présentation publique, par projection publique, la transmission de l’œuvre par télédiffusion, radiodiffusion ou diffusion sur Internet, etc.

Les droits pour un livre numérique 

La création et la diffusion d’un livre numérique font appel aux deux droits que nous venons de voir : il s’agit à la fois d’un acte de reproduction et à la fois d’un acte de représentation.

Si vous concluez un contrat d’édition, la loi impose que la cession des droits de reproduction et de représentation d’un livre imprimé, et la cession liée aux droits de reproduction et de représentation d’un livre numérique se situent dans deux sections distinctes du contrat. Ils ne doivent donc pas être inscrits dans la même phrase ou dans le même paragraphe.

Tous les éditeurs ne proposent pas forcément la publication en livre numérique. Inversement, d’autres ne proposent que la publication en livre numérique et pas en livre papier.

Et parfois, certains peuvent vous proposer les deux. Et dans ce cas de figure, vous pouvez par exemple très bien décider de passer par un éditeur traditionnel pour votre livre imprimé et de conserver vos droits numériques pour vous autoéditer (sur Kobo Writing Life par exemple).

Le droit de distribution

Distribuer, c’est vendre en grand nombre votre livre. Céder ou licencier votre droit de distribution permet à votre cocontractant d’être autorisé à vendre votre livre, qu’il soit au format imprimé ou numérique.

Le droits d’adaptation et de modification

Ce droit donne à l’auteur la prérogative d’autoriser certaines transformations de son œuvre, dans la limite du respect de son droit moral et notamment du droit au respect de son œuvre. Il existe plusieurs sortes de droits d’adaptation dont certaines sont décrites ci-dessous.

Le droit de traduction

Comme son nom l’indique, il s’agit du droit de traduire votre livre en toutes langues, ou bien dans une série de langues préalablement définies au contrat.

Le droit d’adaptation en livre audio

Le droit d’adaptation peut aussi concerner le droit de créer et vendre un livre audio à partir de votre livre imprimé ou numérique. 

Tous les contrats d’édition ne prévoient pas forcément cette cession, cela dépend de la politique de chaque éditeur.

Certains auteurs préfèreront peut-être conserver leurs droits d’adaptation en livre audio pour autopublier eux-mêmes cette version (sur Kobo Writing Life par exemple). Cette possibilité vous est offerte et dépendra, tout comme la version numérique de votre livre, de votre négociation avec votre potentiel éditeur le cas échéant. 

Le droit d’adaptation en œuvres dérivées 

Il s’agit ici du droit de créer et exploiter d’autres œuvres à partir de votre livre : une adaptation en pièce de théâtre, une adaptation sonore ou musicale (chorégraphie, ballet, comédie musicale, etc.), une adaptation graphique (roman-photo, bande dessinée, etc.), une adaptation en œuvre multimédia, une adaptation en application mobile, etc.

Le droit d’adaptation en produits dérivés (droit de merchandising ou de marchandising)

Ce droit permet de créer et d’exploiter des produits dérivés issus de votre livre, de votre univers ou de vos personnages, tels que par exemple : figurines, peluches, posters, articles de papeterie (feuilles, stylos, agendas, marque-pages, gommes, trousses, etc.), jeux et jouets, sacs, linge de maison, bijoux, bibelots, articles alimentaires, produits de toilette et d’hygiène, etc.

Céder ces droits n’est pas obligatoire pour faire publier votre livre. Cela dépendra de vos envies et de la politique de votre éventuelle maison d’édition.

En publiant votre livre sur Kobo Writing Life, vous ne lui cédez ou ne licenciez pas ces droits.

Le droit d’adaptation audiovisuelle

Le droit d’adaptation audiovisuelle c’est le droit qui permet de faire un film, une série, un dessin animé, une vidéo, une émission tirée de votre livre, ou bien de votre univers ou de vos personnages.

Si vous concluez un contrat d’édition ou un contrat de licence ou de cession de vos droits sur votre livre, ce droit d’adaptation audiovisuelle ne peut pas en faire partie. Le Code de la propriété intellectuelle impose que la cession ou la licence de ce droit s’effectue au sein d’un contrat à part de la cession ou de la licence des autres droits. Si vous cédez donc ces droits d’adaptation audiovisuelle en plus de ceux pour la publication de votre livre, vous aurez donc deux contrats distincts. Par ailleurs, cette cession n’est pas obligatoire pour conclure un contrat d’édition.

Les droits liés à la gestion collective obligatoire

Il existe en France des cas où l’on ne peut pas interdire certains actes d’exploitation de son livre. Dans ces cas de figure, des sociétés de perception et de répartition des droits (appelées plus communément des « sociétés de gestion collective ») sont chargées de collecter, au nom et pour le compte des titulaires des droits, les sommes d’argent leur revenant au titre de ces utilisations. 

Le droit de prêt et de location 

L’auteur et/ou l’éditeur ne peuvent pas s’opposer au prêt et à la location de leurs ouvrages. En contrepartie du manque à gagner, l’auteur publié en maison d’édition ainsi que son éditeur touchent une rémunération collectée par la SOFIA (la Société Française des Intérêts des Auteurs de l’écrit). Cette rémunération est collectée auprès des bibliothèques.

Par le contrat d’édition, l’auteur peut céder à l’éditeur le droit de percevoir en son nom et pour son compte cette rémunération, à charge ensuite pour l’éditeur de reverser la quote-part revenant à l’auteur.

En revanche, cette rémunération de la SOFIA ne concerne que les auteurs publiés à compte d’éditeur. Les auteurs autoédités ne peuvent pas la toucher, mais ils ne peuvent pas non plus s’opposer au prêt ou à la location de leurs ouvrages en bibliothèque.

Le droit de copie privée

La SOFIA est également compétente pour la gestion des droits de copie privée. La copie privée est une exception du droit d’auteur. Elle permet de réaliser des copies d’une œuvre acquise à partir d’une source licite, et ce pour un usage strictement personnel. Là aussi, en contrepartie du manque à gagner, la loi prévoit que la SOFIA collecte une taxe sur tous les supports vierges de copie vendus à des particuliers en France (tels que des CD, des clefs USB, des disques durs, etc.). Ensuite, la SOFIA reverse une partie de ces rémunérations aux auteurs et aux éditeurs.

Par le contrat d’édition, l’auteur peut céder à l’éditeur le droit de percevoir en son nom et pour son compte, cette rémunération, à charge ensuite pour l’éditeur de reverser la quote-part revenant à l’auteur.

De la même manière que le droit de prêt ou de location, cette rémunération ne s’applique qu’aux auteurs édités à compte d’éditeur. Les auteurs autoédités ne peuvent pas interdire la copie privée de leur livre, mais ne peuvent pas récupérer les sommes auprès de la SOFIA.

Le droit de reprographie

Le droit de reprographie, c’est le droit de faire des photocopies ou des numérisations d’ouvrages. La gestion du droit de reprographie est gérée par le CFC (le Centre Français d’exploitation du droit de Copie). C’est donc au CFC que revient l’obligation de reverser les sommes qu’il perçoit.

Là aussi, par le contrat d’édition l’auteur cède à l’éditeur le droit de percevoir en son nom et pour son compte cette rémunération, à charge ensuite pour l’éditeur de reverser la quote-part revenant à l’auteur.

Et de la même manière que pour les précédents droits, les auteurs autoédités ne peuvent pas toucher ces rémunérations.

La négociation des contrats

Le droit des contrats distingue deux types de contrats : les contrats d’adhésion d’une part, qui sont des contrats que l’on ne peut pas négocier (un contrat d’assurance ou un contrat bancaire par exemple, ainsi que les licences d’utilisation des plateformes d’autoédition), et les contrats de gré à gré d’autre part, qui sont des contrats librement négociables. 

Les contrats d’édition sont des contrats de gré à gré, donc librement négociables. Ainsi, si vous ne souhaitez pas céder certains droits en particulier, vous êtes libres de demander une négociation à votre potentiel éditeur. 

Néanmoins, toutes vos demandes de négociation ne peuvent pas toujours être acceptées. Par exemple, pour créer un livre imprimé, vous ne pouvez pas vous opposer à la cession de votre droit de reproduction ou de distribution. L’éditeur ne pourra pas publier votre livre si vous lui interdisez de l’imprimer en un certain nombre d’exemplaires (reproduction), et de la vendre (droit de distribution). 

En revanche, vous pouvez vous opposer à certaines utilisations. Par exemple, vous pouvez vous opposer à la création de livres de poche, à la création d’une anthologie, à la création de produits dérivés (droits de merchandising), à la traduction de votre livre, à la création d’une pièce de théâtre, à la cession de vos droits audiovisuels, etc.

Votre potentiel éditeur pourra accepter ou refuser vos demandes selon les cas. Et en fonction de la situation, vous pourrez décider de lui céder les droits qu’il vous demande, ou bien de refuser sa demande.


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre qui réunit les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Dans le cadre de ses activités, Elvire Bochaton délivre de l’information juridique aux auteurs par email et par téléphone, réalise des conférences et des formations sur-mesure pour les particuliers et les entreprises et rédige des modèles de contrats et de documents juridiques. Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.
Vous pouvez la contacter en cas de besoin.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite/

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