Information juridique pour les auteurs | Kobo Writing Life France

Quels sont les principaux risques si je reprends un contenu qui ne m’appartient pas dans mon livre ?

Pour pouvoir utiliser un contenu issu d’une autre œuvre (faire une citation par exemple) ou appartenant à quelqu’un d’autre (photographie, illustration, etc.), vous devez respecter des règles. Et si vous ne respectez pas ces règles, vous encourrez certains risques. Mais quels sont ces risques au juste, et de quelle manière sont-ils sanctionnés ?

Les risques juridiques encourus

La contrefaçon

La contrefaçon, c’est le terme juridique qui se rapporte au plagiat

Au sens des articles L.122-4 et L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon de droit d’auteur désigne le fait de reproduire, représenter, diffuser, imiter, modifier, adapter, transformer, traduire, utiliser, de manière totale ou partielle, une œuvre non tombée dans le domaine public sans avoir obtenu l’autorisation du ou des titulaire(s) des droits. Il s’agit de toute violation du droit patrimonial et/ou du droit moral d’un auteur.

Exemple 1 : les fanfictions

Beaucoup de personnes pensent qu’écrire une fanfiction est librement réalisable, que ce soit des fanfictions issues de livres, de séries télévisées ou de films, ou encore de jeux vidéo. Or, il s’agit de reprendre des personnages et/ou un univers appartenant à un autre auteur. Ainsi, une fanfiction peut être considérée comme un acte de contrefaçon dès lors que vous n’avez pas obtenu l’accord écrit en bonne et due forme de l’éditeur de l’œuvre originale ou de l’auteur si l’œuvre provient d’un auteur autoédité. Cet accord doit être conforme à ce que vous envisagez de faire de la fanfiction : est-ce juste pour une diffusion non commerciale sur un site comme Wattpad ? Ou bien est-ce pour autoéditer votre fanfiction ? L’accord peut très bien tout autoriser, ou bien vous imposer certaines limites, voire vous demander une contrepartie financière (reverser un pourcentage de vos bénéfices par exemple).

À titre d’illustration, la saga « Cinquante nuances de Grey » est en réalité une fanfiction de… « Twilight », dont l’auteur (Stephenie Meyer) et son éditeur (Little, Brown and Company) ont accepté la commercialisation (en échange d’un accord financier intéressant à n’en pas douter).

Exemple 2 : la traduction

La contrefaçon peut aussi avoir lieu si l’on traduit le livre d’un tiers sans lui demander son autorisation. Traduire, c’est créer une adaptation, car le traducteur pourra choisir certains mots plutôt que d’autres, retranscrire des expressions non traduisibles, etc. Le traducteur apporte sa patte et modifie finalement un petit peu l’œuvre originale. Si vous souhaitez par exemple traduire le livre d’un autre auteur qui serait publié dans une autre langue et autoéditer cette version traduite, vous devez conclure avec l’auteur ou l’éditeur originaire, un contrat de cession des droits de traduction. Là aussi, il est fort probable que l’on vous demande en échange de ces droits, un pourcentage sur les ventes. Ce n’est donc pas parce qu’un livre est indisponible en France ou en français que vous pouvez le traduire librement.

Exemple 3 : la citation 

Un acte de contrefaçon peut aussi être reconnu si vous réalisez une citation sans respecter les 5 règles édictées par la loi pour qu’une citation soit légale. L’exception de citation, encadrée strictement par la loi, permet en effet de citer un morceau de texte sans avoir à demander l’autorisation du titulaire des droits. Néanmoins, si vous ne respectez pas les conditions cumulatives posées par la loi, par exemple si votre citation est trop longue, ou bien si elle n’est pas justifiée, le droit de citation ne s’applique pas. De ce fait, si une des conditions n’est pas respectée et que l’œuvre n’est pas encore tombée dans le domaine public, la citation n’est pas considérée comme telle par la loi, et vous devez obtenir l’accord écrit du titulaire des droits. En l’absence de l’obtention de cet accord, l’insertion de cet extrait n’est pas légale ; et si vous l’insérez tout de même, il s’agit d’un acte de contrefaçon.

Exemple 4 : le titre

La contrefaçon peut aussi être constituée si le titre de votre livre est similaire ou identique au titre d’un autre ouvrage. Par exemple, le titre « Des poissons et des hommes de toutes les couleurs » a été jugé contrefaisant du titre « Des poissons et des hommes » (TGI de la Seine, 15 février 1960).

La concurrence déloyale

La concurrence déloyale n’est pas définie par les textes de loi. Ce sont les juges, qui sont intervenus, au cas par cas, pour définir cette notion et ses contours.

Il ressort des décisions de justice que la concurrence déloyale est le fait de créer une confusion dans l’esprit du public avec un livre ou un auteur concurrent, de sorte que la clientèle se trompe et soit attirée. Par exemple, un lecteur achèterait votre livre en pensant acheter celui d’un autre auteur, car leur titre serait similaire, leurs couvertures ressemblantes, etc.

Pour caractériser la concurrence déloyale, les juges se mettent à la place du «consommateur d’attention moyenne», du «client non spécialement alerté», et du «client moyennement vigilant et attentif».

La question que se posent les juges est de savoir si le lecteur moyen, qui n’a pas un « œil attentif » et qui ne procède que par « impression d’ensemble », risque de confondre votre livre avec celui d’un autre auteur ou bien risque de leur prêter une origine commune.

Une concurrence déloyale peut être reconnue dans plusieurs situations. Par exemple, peut constituer une concurrence déloyale : une couverture similaire ou identique, une histoire similaire ou identique, un titre similaire ou identique, une présentation similaire ou identique, etc.

La concurrence déloyale n’est pas prononcée automatiquement dès lors que deux livres se ressemblent un peu. Pour que la concurrence déloyale soit reconnue, la personne qui s’en estime victime doit prouver : 

  1. Une faute de la part d’un concurrent (par exemple l’une des situations énoncées ci-dessus) ;
  2. Un préjudice (par exemple la perte d’un chiffre d’affaires) ;
  3. Un lien de causalité entre la faute et le préjudice (en clair, le préjudice doit directement être rattaché à la faute. Par exemple, si un auteur perd du chiffre d’affaires, il doit être en mesure de prouver que c’est à cause du livre concurrent qui ressemble au sien). 

Par exemple, il a été jugé en 2007 que Hachette Livre avait effectué des actes de concurrence déloyale envers Flammarion. Flammarion avait commercialisé une série d’ouvrages dans la collection nommée « Petites histoires du père Castor ». Quelque temps plus tard, Hachette a publié un ouvrage nommé « Mes histoires d’été » dont la présentation extérieure et intérieure ressemblait à celle de Flammarion. Les juges ont alors considéré que la ressemblance d’ensemble entre les livres était « frappante » de telle sorte qu’il y avait un « air de famille » entre les livres et que par conséquent, cela ne pouvait pas être « le fruit du hasard » (CA Paris, 14e ch. A, 19 déc. 2007).

Autres exemples : il a été jugé que le titre d’ouvrage « Le guide France des magasins d’usine » fait de la concurrence déloyale à « Le first guide des magasins d’usine » (CA Paris, 4e ch. A, 10 mars 1999).

De même, les juges ont considéré qu’il existait un risque de confusion entre les titres d’ouvrages « Le Livre de la cuisine moderne » et « La cuisine moderne » (CA Paris, 29 déc. 1927).

Le parasitisme économique

Le parasitisme économique est une sous-catégorie de la concurrence déloyale.

Selon les juges, le parasitisme économique est «l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire» (Cass. Com., 26 janvier 1999).

Un acte de parasitisme pourrait par exemple consister en : se servir de la notoriété d’un concurrent en le copiant, «copier» un précurseur d’un domaine particulier, se servir d’efforts de recherche, d’efforts marketing, d’efforts humains, d’efforts financiers d’un concurrent, etc.

Là aussi, le parasitisme n’est pas reconnu automatiquement dès lors que deux livres se ressemblent. Les 3 conditions (faute, préjudice et lien de causalité) exigées pour reconnaître une concurrence déloyale sont également requises pour admettre un parasitisme économique.

Une affaire récente de parasitisme a concerné les éditions Zulma. Ces éditions ont publié un livre nommé « L’Embellie ». La couverture de ce livre est caractérisée par un fond de couleurs vives fait de motifs et d’un encadré triangulaire blanc dans lequel le titre de l’ouvrage est inséré. La société de restauration collective Elior a lancé une campagne publicitaire intitulée « L’appétit du mieux » et a reproduit la couverture de « L’Embellie » sur ses affiches, en substituant les mentions « L’appétit du mieux » et « Elior » au titre « L’Embellie » et au nom de son auteur. Elior a été condamné pour parasitisme, car Elior a causé un préjudice aux éditions Zulma en raison de l’atteinte portée à son image commerciale, à la banalisation et à la dévalorisation de sa couverture. Ainsi, selon les juges, Elior s’était servi des efforts des Éditions Zulma pour créer son affiche (CA Versailles, 1re chambre, 22 mars 2022).

Autre exemple : le parasitisme a été reconnu dans le fait de reprendre des informations réunies dans une thèse pour les publier dans des ouvrages. Les juges ont considéré que ce pillage a permis de s’approprier indûment le fruit du travail de l’auteur et de jouir de la réputation d’un spécialiste (CA Paris, 4e ch. B, 4 juin 2004).

Les éléments examinés par les juges

Les éléments de comparaison

Afin de déterminer si contrefaçon/concurrence déloyale/parasitisme il y a, il est possible d’analyser les ressemblances entre les livres en question. Selon les livres et le contexte, il est possible de comparer l’histoire, les formulations et les phrases, le titre du livre, les titres de chapitre, l’interlignage, les couleurs et code couleurs, la pagination, le format, l’agencement des chapitres des idées, les encadrés, les illustrations, les index et les tables des matières, les structures d’une collection, le prix, le public visé, le genre littéraire, etc.

Cette analyse peut être effectuée dès lors que vous souhaitez agir à l’encontre d’une personne, mais aussi lorsque c’est vous qui recevez une lettre de mise en demeure de la part d’un tiers.

Le raisonnement des juges et les arguments inefficaces

Souvent, les personnes souhaitant nier toute ressemblance avec le livre d’un tiers, vont essayer de rechercher leurs différences : tel élément est dans un livre, mais pas dans l’autre, l’auteur a inséré quelque chose de différenciant, etc. 

Or, c’est souvent vain de penser de cette manière, car les juges ne s’attardent pas sur les différences. En matière de contrefaçon d’ailleurs, celle-ci est déterminée au seul regard des ressemblances et des similitudes. Les différences ne sont pas prises en compte.

En matière de concurrence déloyale et de parasitisme, les différences sont également peu examinées. Pour la concurrence déloyale, c’est plutôt le risque de confusion entre les deux livres qui est observé. Et en matière de parasitisme, ce sont là aussi les ressemblances qui permettent de constater la reprise d’efforts financiers, humains, commerciaux, marketing, etc.

De la même manière, arguer du fait que son livre est original au sens du droit d’auteur et qu’on y a mis notre propre patte artistique n’est pas pris en compte.

Enfin, certains auteurs peuvent aussi vouloir échapper à la sanction en indiquant être de bonne foi et ne pas connaître tel ou tel livre avant la parution du leur. Or, la contrefaçon, la concurrence déloyale ou le parasitisme économique ne supposent pas forcément l’intention de nuire. Une simple négligence suffit à les qualifier (cette négligence pouvant être la méconnaissance d’un autre livre). De ce fait, la bonne foi est inopérante.

Les sanctions pouvant être prononcées

La contrefaçon, la concurrence déloyale et le parasitisme économique sont des infractions civiles (sanctionnées de manière générale à l’aide de l’article 1240 du Code civil).

Cela signifie tout d’abord que la première sanction pouvant être prononcée est l’allocation de dommages et intérêts à la victime. Le montant de ces dommages et intérêts est fixé par le juge, sur proposition de l’avocat de la victime.

En plus des dommages et intérêts, le juge peut prononcer des sanctions supplémentaires telles que : le retrait du livre de la vente, et/ou la destruction des exemplaires imprimés du livre, et/ou la modification du livre, et/ou la communication de la décision de justice au sein du livre, de votre site internet ou par voie de presse, etc.

Mais la contrefaçon est aussi une infraction pénale. Cela signifie qu’en plus des dommages et intérêts et des éventuelles sanctions supplémentaires, vous risquez jusqu’à 3 ans de prison et 300000 euros d’amende en vertu de l’article L.335-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Ceci étant dit, beaucoup d’affaires ne vont pas devant le juge. Certaines affaires se règlent toutes seules : après plusieurs échanges de courriers, l’une des parties peut décider d’elle-même de ne pas donner de suites. D’autres affaires se règlent «à l’amiable», souvent entre avocats interposés par le biais d’un «accord transactionnel». Il s’agit d’un contrat au sein duquel les parties acceptent de mettre fin à leur litige en l’échange de concessions et souvent en l’échange d’une somme d’argent (par exemple : j’accepte que nos livres coexistent, mais en échange d’une indemnité financière, ou bien je veux que vous retiriez de la vente votre livre et pour les utilisations passées je souhaite une indemnité financière).

Beaucoup pensent à tort que l’absence de condamnations dans un domaine signifie qu’une pratique est autorisée. Or, c’est faux de penser cela. Très peu d’affaires sont réellement portées devant les tribunaux, et les accords transactionnels sont secrets et ne sont pas rendus publics. Donc ce n’est pas parce qu’on n’a jamais entendu parler d’une telle affaire qu’il n’y a pas eu de problèmes : beaucoup de batailles juridiques se passent en coulisses, entre avocats ou services juridiques, et ne sont pas médiatisées. Soyez donc prudents !

Quelques mots pour conclure

En conclusion, les trois risques juridiques majeurs sont : la contrefaçon, la concurrence déloyale et le parasitisme économique. Ces trois fondements sont souvent invoqués en même temps dans un recours. Ensuite, le juge définit lequel ou lesquels sont applicables à la situation. Vous l’aurez donc compris, c’est souvent le juge qui apprécie les risques au cas par cas et il est donc souvent difficile de connaître l’issue d’un litige par anticipation.

En cas de différend avec un autre auteur ou un éditeur, il est donc préférable de vous faire accompagner par un avocat.


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre qui réunit les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Dans le cadre de ses activités, Elvire Bochaton délivre de l’information juridique aux auteurs par email et par téléphone, réalise des conférences et des formations sur-mesure pour les particuliers et les entreprises et rédige des modèles de contrats et de documents juridiques.
Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte. Vous pouvez la contacter en cas de besoin.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite/

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