Information juridique pour les auteurs | Kobo Writing Life France

Comment s’autoéditer quand on est plusieurs auteurs d’un même livre ?

Pour beaucoup d’auteurs, écrire un roman est une activité solitaire. Mais pour d’autres, au contraire, il s’agit d’une véritable collaboration avec un autre créateur. Certains livres ont plusieurs auteurs, ou bien ils peuvent aussi avoir un auteur et un illustrateur (c’est le cas par exemple des livres jeunesse). Créer un livre à plusieurs est donc possible, et c’est même naturel dans certains genres.

En édition traditionnelle, chaque auteur signe son contrat d’édition et chacun touche des droits d’auteur sur les ventes. En autoédition, il est possible d’autoéditer un livre créé par plusieurs auteurs. Cependant, la publication d’un livre ayant plusieurs auteurs/créateurs, nécessite de bien connaître certains éléments juridiques.

La qualification de l’œuvre

Un livre créé a plusieurs a la qualification juridique d’« œuvre de collaboration ».  Peuvent être déclarés coauteurs d’une œuvre de collaboration aussi bien les personnes qui rédigent du texte, qu’un illustrateur, un photographe, un traducteur, etc. Selon le Code de la propriété intellectuelle, l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Cela signifie que la totalité du livre appartient en indivision à tous les coauteurs.

L’idée sous-jacente est que sans la contribution d’un des coauteurs, le livre aurait été complètement différent. Prenons pour exemple un roman écrit par deux coauteurs (appelons-les X et Y). X a écrit les chapitres pairs et Y les chapitres impairs. X et Y ont chacun des droits sur 100 % du livre, pas seulement sur les seuls 50 % qu’ils ont écrits respectivement, car le droit estime que les deux se sont inspirés mutuellement du travail de l’autre, et que sans ce travail de l’autre personne, la contribution de l’un n’aurait pas été celle qui existe aujourd’hui.

Cette qualification a pour conséquence que les coauteurs doivent tous toucher un pourcentage sur les ventes du livre, et donc se partager les bénéfices.

Pour échapper à cette qualification d’œuvre de collaboration, le travail d’une personne doit être accessoire au livre : par exemple, un illustrateur qui n’aurait réalisé que la couverture. Dans ce cas de figure, l’illustrateur n’est pas considéré comme coauteur. Dans le cadre d’une œuvre accessoire au livre, l’auteur de cette œuvre accessoire sera rémunéré par un forfait. 

Le choix du statut juridique, fiscal et social

On ne le répètera jamais assez, s’autoéditer c’est devenir un professionnel. Dès le 1er euro gagné, vous devez déclarer vos revenus aux impôts et à l’URSSAF. Il n’est donc pas possible de s’autoéditer sans statut. Chaque coauteur devra donc choisir entre le statut d’artiste-auteur, la microentreprisel’entreprise individuelle classique ou la société. Certains statuts seront plus adaptés pour la publication d’un livre à plusieurs.

Bien souvent, les plateformes d’autoédition ne proposent d’inscrire qu’un seul compte bancaire pour le versement des recettes issues des ventes. C’est le cas de Kobo Writing Life par exemple.

Par conséquent, s’il y a plusieurs auteurs d’un même livre, cela signifie que l’un d’eux devra percevoir la totalité des recettes, puis en reverser une partie à l’autre (ou aux autres) coauteur(s). Il faut donc que chacun trouve un statut juridique adapté à cette opération.

Bon à savoir : les lignes qui suivent ne dispensent pas de consulter un comptable qui pourra vous conseiller sur la forme juridique la plus adaptée à votre projet.

L’entreprise individuelle sous le statut d’artiste-auteur

Le statut d’artiste-auteur est dorénavant le statut le plus préconisé pour s’autoéditer. Ce statut permet d’autoéditer un livre a plusieurs de deux manières.

Première possibilité : si les coauteurs ont tous un numéro SIRET et déclarent en micro-BNC

Ce statut permet de pouvoir effectuer des « rétrocessions d’honoraires ». Une rétrocession d’honoraires est une opération comptable qui permet de reverser une partie des droits d’auteur touchés à un autre artiste-auteur qui a collaboré avec vous sur la même œuvre. 

Cette rétrocession d’honoraires n’est possible qu’entre artistes-auteurs. Elle n’est pas possible entre un artiste-auteur et un micro-entrepreneur par exemple.

En pratique, un des coauteurs (coauteur 1) va toucher la totalité des recettes. À échéances périodiques, il enverra un relevé des ventes aux autres coauteurs. Ces échéances périodiques et le pourcentage touché par chaque coauteur seront prévus entre eux (minimum une fois par an), au sein d’un contrat. 

Après réception du relevé des ventes, les coauteurs qui n’auront pas touché les recettes devront établir une facture à l’attention du premier coauteur. À la réception de cette facture, le coauteur 1 payera les droits d’auteurs dus aux autres coauteurs. 

Les autres coauteurs devront ensuite déclarer cela dans leur chiffre d’affaires. La somme qu’ils toucheront sera en brut, et ils devront payer leurs cotisations sociales et leurs impôts.

Le coauteur 1, lui, pourra déduire ces montants de son chiffre d’affaires. Il devra remplir dans ses déclarations URSSAF la case relative aux rétrocessions d’honoraires afin d’inscrire quel montant il a rétrocédé et à qui.

Deuxième possibilité : si l’un des coauteurs a un numéro SIRET et déclare en micro-BNC et les autres déclarent en traitement et salaires

La seconde possibilité est de fonctionner comme en maison d’édition. Le coauteur 1 est alors considéré comme éditeur. Il sera désigné comme « diffuseur » au sens de l’URSSAF des artistes-auteurs. Un diffuseur est une personne qui rémunère un auteur en vue de diffuser, exploiter ou utiliser son œuvre. 

Le coauteur 1 devra alors « précompter » les cotisations sociales sur les revenus revenant au coauteur 2. Le précompte est le fait de payer les cotisations de l’autre coauteur à sa place (à l’instar des salariés dont on prélève les cotisations sociales directement sur le salaire). Au même moment que le paiement du coauteur 2, le coauteur 1 devra en plus lui fournir un « certificat de précompte », c’est-à-dire un document récapitulant la rémunération et les charges sociales qui auront été prélevées. Le montant versé sera donc net de cotisations sociales. Néanmoins, le coauteur 2 devra encore payer des impôts sur cette somme en la déclarant en « traitements et salaires » sur sa déclaration fiscale annuelle. Il devra aussi réaliser une déclaration URSSAF annuelle pour indiquer que ces revenus ont bien été précomptés et qu’il ne doit plus payer de cotisations.

L’entreprise individuelle sous le statut de la microentreprise

En microentreprise, l’entrepreneur ne peut déduire aucun frais. Il ne peut donc pas effectuer de rétrocessions d’honoraires. En conséquence, s’il reverse une partie des recettes touchées à un ou plusieurs coauteurs, son chiffre d’affaires restera inchangé. Il payera donc des charges sociales (URSSAF) et des impôts sur la totalité des recettes, et pas seulement sur le pourcentage qui lui est revenu réellement. 

La microentreprise n’est donc pas le statut le plus adapté pour s’autoéditer à plusieurs. 

L’entreprise individuelle classique

L’entreprise individuelle offre la possibilité de faire des rétrocessions d’honoraires. Cependant, cette forme juridique est de moins en moins ouverte aux auteurs autoédités.

La société

Créer une société dont les coauteurs seraient tous associés peut être une autre pratique intéressante. Cela consisterait finalement à créer une maison d’édition pour la publication de ce livre. Lorsque l’on pense à une « maison d’édition », on pense souvent à la publication de plusieurs livres par an. Or, une maison d’édition peut très bien ne publier que les livres des associés de la société, voire ne publier qu’un seul livre. 

Ainsi, la société, en tant que personne morale aurait la qualité d’éditeur du livre. Chaque coauteur pourrait alors être artiste-auteur à titre individuel et toucher des droits d’auteur, qu’il déclarerait en micro-BNC ou en traitements et salaires selon sa volonté (voir développements précédents).

La contractualisation entre coauteurs

Peu importe le statut juridique, fiscal ou social choisi, les coauteurs doivent conclure un contrat entre eux.

S’autoéditer, c’est devenir soi-même éditeur. L’auteur autoédité a toutes les obligations légales d’un éditeur. Ainsi, si un des coauteurs diffuse, publie et vend le livre (œuvre de collaboration), il doit donc conclure avec les autres coauteurs… un contrat d’édition ! 

Le contrat d’édition est un contrat règlementé, qui contient des clauses obligatoires et des obligations spécifiques pour l’éditeur (donc pour le coauteur qui diffusera le livre et recevra la totalité de la rémunération). Il convient donc de se renseigner en amont sur toutes ces clauses et ses obligations.

Un contrat d’édition adapté pour l’autoédition d’un livre à plusieurs doit contenir a minima les clauses suivantes :

  • Qui publie le livre et où.
  • La durée du contrat.
  • Qui décide du prix de vente du livre, du choix de la couverture, etc.
  • Les obligations du coauteur 1 (mise en vente du livre, exploitation du livre, etc.)
  • Les droits cédés. (Est-ce une cession de droit uniquement pour la diffusion du livre en autoédition ? Ou bien le coauteur 1 a-t-il le droit de transformer l’œuvre par exemple ?).
  • La destination des droits cédés (la vente du livre, son usage promotionnel, etc.).
  • En quel format sera vendu le livre : imprimé, numérique, audio.
  • Le territoire de la cession de droits. (Dans quels pays autorisez-vous la publication du livre ?)
  • Le pourcentage sur le prix public hors taxe revenant au coauteur.
  • Les échéances de paiement et d’envoi des relevés des ventes (c’est ce que l’on appelle la reddition des comptes).
  • Les modalités de résiliation du contrat (ce qui signifierait alors une interdiction de vente du livre par le coauteur 1).
  • Les conditions de réexamen des conditions économiques du contrat pour la publication numérique du livre.

Et si chacun des coauteurs souhaite commercialiser le livre via des canaux de vente différents ? Cela complexifierait la situation, mais ce n’est pas irréalisable. Il est possible de prévoir dans le contrat une clause d’absence d’exclusivité et de rendre les obligations d’éditeur réciproques en fonction des plateformes.

Dans tous les cas, je vous déconseille fortement d’écrire ce contrat par vous-même, étant donné le nombre d’obligations légales qui le régissent. Vous pouvez acquérir un modèle de contrat auprès d’un juriste spécialisé dans l’édition ou bien auprès d’un avocat. Alors, prêts pour publier votre livre collaboratif ?


Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition. 
Elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre qui réunit les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre. 
Dans le cadre de ses activités, Elvire Bochaton délivre de l’information juridique aux auteurs par email et par téléphone, réalise des conférences et des formations sur-mesure pour les particuliers et les entreprises et rédige des modèles de contrats et de documents juridiques.

Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités. 
Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.

Vous pouvez la contacter en cas de besoin.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com

Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite/

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