Après vous être penché sur les réécritures, la structure, la profondeur des personnages… vient le temps de se pencher sur le style et sur la correction orthographique de votre roman. C’est un travail de fourmi qui demande beaucoup de patience, mais qui va vraiment faire la différence entre un texte amateur et un texte professionnel, à plus forte raison si vous êtes auteur indépendant, car vous êtes en charge du travail éditorial.
On pourrait se dire que c’est le travail du correcteur pro, et c’est en partie vrai, mais plus vous allez travailler votre texte, plus le correcteur pourra pousser son expertise — comme un inspecteur des travaux finis : c’est beaucoup plus facile de mettre le doigt sur des subtilités quand le reste du manuscrit est propre.
De plus, si vous avez prévu de confier votre texte à des bêta-lecteurs, ils vont pouvoir se concentrer sur le fond, sans être sortis de leur lecture par d’éventuels soucis de forme.
Allez, c’est parti pour vous dévoiler tous mes secrets de correctrice. Mais attention, je préfère prévenir, corriger son roman, c’est bien plus que « juste » corriger les fautes d’orthographe.
Retrouvez rapidement les 5 étapes :
1. Bien s’équiper pour corriger son manuscrit
2. Relire son roman avec méthode
3. Travailler son style
4. Corriger les fautes d’orthographe
5. Soigner sa mise en page
1. Bien s’équiper pour corriger son manuscrit
Antidote, l’allié d’une relecture efficace
C’est la star des logiciels de correction, et ce n’est pas pour rien. Pour avoir testé Antidote et ProLexis, le premier est beaucoup plus accessible financièrement et plus facile à utiliser. Ses nombreux dictionnaires (définitions, synonymes, antonymes, cooccurrences…), guides (grammaire, syntaxe, ponctuation…) et bien sûr son outil de correction en font un logiciel ultra complet, que j’utilise moi-même au quotidien.
Attention toutefois à ne pas faire aveuglément confiance au correcteur. Cela reste un algorithme qui ne vaut pas (encore) l’œil humain. Certaines fautes ne sont pas détectées, et certaines fautes détectées n’en sont pas. À vous d’analyser ses propositions et votre texte. Mais pour dégrossir le travail et soulever les différents points de vigilance, c’est une aide non négligeable pour relire son roman.
Je vais souvent mentionner Antidote dans la suite de cet article. Pour moi, c’est un outil indispensable lorsqu’on est auteur, surtout auteur autoédité. Pour autant, si vous ne l’avez pas et ne souhaitez pas l’acheter, corriger votre texte reste tout à fait faisable. Il faudra juste une double dose de vigilance.
Dictionnaires papier
Si je ne devais garder qu’un seul dictionnaire papier, hors ouvrage de typographie, ce serait celui-là : le Dictionnaire des difficultés de la langue française, chez Larousse. Et pas seulement pour vérifier un point au cours d’une correction : soyez curieux, et feuilletez-le parfois au hasard. On peut avoir des surprises ! Celui du Robert, le Dictionnaire d’orthographe et expression écrite d’André Jouette, est très bien aussi, et complémentaire.
Un dictionnaire des analogies permet d’avoir tous les mots qui gravitent autour d’un thème, classés par fonction grammaticale. J’utilise le Thésaurus de Larousse.
Un ou deux ouvrages de typographie sont toujours utiles : on met en italique ou entre guillemet ? Où est-ce que l’on met les majuscules ? Je recommande Le Ramat de la typographie, d’Aurel Ramat et Anne-Marie Benoit, complet et accessible. Si vous êtes féru de typographie, le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale et le Dictionnaire orthotypographique moderne de Jean-Pierre Collignon viennent compléter le Ramat.
Parfois les ouvrages se contredisent, c’est normal, car il n’y a pas qu’une seule façon de bien faire. Dans ce cas, c’est à vous de faire un choix, l’essentiel étant de l’appliquer du début à la fin de votre roman.

Quelques sources fiables sur le web
Si j’aime mes dictionnaires papier, j’avoue que la facilité procurée par une recherche internet en fait également un outil du quotidien. Mais pas sur n’importe quel site ! Voici une petite sélection des sites que j’utilise et recommande :
Le Centre national de ressources textuelles et lexicales, très complet. On y trouve des définitions, des synonymes, des champs lexicaux… : https://www.cnrtl.fr/definition/
L’Office québécois de la langue française, avec notamment des explications claires pour la grammaire et autres difficultés : https://vitrinelinguistique.oqlf.qc.ca/
Le lexique des règles typographiques françaises : http://www.orthotypographie.fr/
2. Relire son roman avec méthode
Prendre son temps pour relire
En matière de correction, la vitesse est l’ennemi de la qualité. « Vite fait, bien fait » ? Ce n’est certainement pas la devise d’un correcteur professionnel ! Pour parler deux minutes du fonctionnement du cerveau, il faut savoir que l’œil « scanne » le texte, mais ne voit pas tout. C’est le cerveau qui, grâce à ses formidables capacités d’analyse et de mémoire, bouche les trous, corrigeant les fautes au passage. C’est la raison pour laquelle, malgré cinq, six, dix lectures, vous n’avez pas vu cette horrible faute d’orthographe pourtant évidente. Vous ne l’avez pas vue parce que l’œil ne s’est pas posé dessus, et que votre cerveau vous a trompé !
Mon astuce : forcer son œil à se poser sur chaque syllabe, et se chronométrer quand on travaille. Si l’on corrige à plus de dix mille signes espaces comprises par heure, c’est probablement que l’on va trop vite.
Décomposer sa relecture
On va du plus gros au plus précis : on travaille le style, puis l’orthographe, et enfin la mise en page. On travaille la conjugaison et les accords, puis la ponctuation et la typographie… Le fait de grouper par type de tâche nous rend plus efficaces. Le cerveau (encore lui !) sait sur quoi se focaliser et va détecter plus facilement les points à corriger. Alors oui, cela veut dire faire plusieurs passes de correction. Mais quand on aime (son texte), on ne compte pas !

3. Travailler son style
Si vos premières relectures se sont notamment concentrées sur la cohérence et la crédibilité, elles vont maintenant se concentrer sur les tournures et la fluidité. Vous avez travaillé au niveau macro (à l’échelle du roman), vient le temps de travailler au niveau micro (la phrase).
Améliorer les répétitions, les verbes faibles, les adverbes
Quand vous lancez le correcteur d’Antidote, il y a trois volets principaux : langue, typographie et style. Commençons par le style : le logiciel propose de faire le tour des répétitions, des tournures (passives, négatives, averbales…), du vocabulaire (pléonasmes, verbes ternes…), de l’inclusivité.
Ici, rien n’est ni noir ni blanc. À vous d’analyser ce qui relève de votre style et de l’effet recherché.
Mon astuce pour les répétitions : si un élément est mentionné trois fois, en remplacer deux par des synonymes risque de juste alourdir le texte. Plutôt que de sauter sur le dictionnaire des synonymes, il est souvent plus efficace de chercher d’abord à reformuler l’ensemble en réorganisant les idées. Lorsque c’est possible, l’utilisation d’un pronom est plus fluide qu’un synonyme.
Dans les faiblesses de style, on trouve souvent le combo verbe faible + adverbe. Il n’y a qu’une chose à faire : rechercher le verbe juste. On utilise souvent les mêmes verbes, mais la langue française est d’une richesse infinie. C’est le moment d’user tous les dictionnaires des synonymes pour trouver LE verbe, celui dont la nuance correspond parfaitement à votre contexte.
Mon astuce pour trouver le mot juste : vérifier la définition de chaque synonyme, et s’aider du dictionnaire des cooccurrences et celui des analogies. Généralement, quand j’ai mis le doigt sur la bonne nuance, ça fait tilt. Toutes les autres propositions me font froncer le nez !
Épurer les incises de dialogue
Un énorme travail, qui va clairement faire la différence dans votre roman, c’est celui sur les incises de dialogue (ces précisions entre virgules qui se caractérisent par une inversion sujet-verbe comme « dit-il », et autres verbes de paroles). Comme je le répète toujours aux auteurs avec lesquels je travaille, une incise de dialogue doit être là pour indiquer qui parle — et seulement si c’est nécessaire — ou apporter une indication sur le ton ou le contexte. Elle doit être courte, fluide, et surtout, ne pas pallier une faiblesse du dialogue ou de la narration. Le verbe d’incise doit être adapté et discret. Exit les verbes exotiques ! Pas de prouesses de style attendues dans les incises, mais de la précision : elles doivent se faire oublier, et non attirer l’attention.
Mon astuce : ne pas hésiter à vérifier la définition exacte du verbe pour s’assurer qu’il est parfaitement adapté au contexte.
L’incise commence toujours par une minuscule, même après un point d’exclamation ou d’interrogation. Attention, les logiciels de traitement de texte sont des farceurs. Ne pas leur faire confiance, ils voudront absolument mettre une majuscule.
4. Corriger les fautes d’orthographe
Mon process
En ce qui concerne l’orthographe, je procède en trois étapes : d’abord, je corrige toute seule, sans le logiciel. Je ne veux pas être influencée dans mon analyse du manuscrit.
Ensuite, deuxième passe, je lance le correcteur d’Antidote, volet langue, et je navigue d’une alerte à l’autre : je ne relis pas tout le texte, mais j’analyse la phrase complète chaque fois qu’Antidote me souligne une potentielle faute.
La dernière passe se fait sur un autre support, pour tromper le cerveau et redonner de la fraîcheur aux yeux. Je convertis et transfère mon fichier sur ma liseuse avec Calibre, et en plus je grossis les caractères d’un cran ou deux au-dessus de ma taille de lecture habituelle.
Mon astuce. Si vous n’avez pas de liseuse, il y a plusieurs possibilités : changer la police et la taille de la police à l’écran, ou imprimer votre roman (dans l’idéal, recto verso en qualité brouillon, histoire d’économiser un peu le papier et l’encre).
Si possible, cette troisième passe se fait après la mise en page, ainsi j’ai un texte propre, mais je peux également vérifier les problèmes de mise en page qu’il pourrait subsister.

Les sources d’erreur les plus fréquentes
Si chaque auteur a ses propres difficultés et tics de langage, il se dégage de grandes tendances qui sont régulièrement sources de difficultés.
En ennemi public numéro un, on retrouve la conjugaison, notamment le choix de la temporalité (narration au présent ou au passé : on n’emploie pas n’importe quel temps) et le respect de la concordance des temps. Ensuite, les problèmes orthographiques à proprement parler : les homophones, les barbarismes et impropriétés. Enfin, la syntaxe est parfois traître, pas un manuscrit ne passe sous mes yeux sans au moins une phrase qui ne respecte pas la logique sujet-verbe-complément.
Cette partie est développée dans un autre article à consulter sur le blog : Corriger les 5 types de fautes les plus courantes.
5. Soigner sa mise en page
Concernant la présentation, pour envoyer aux bêta-lecteurs, visez simple : une police classique, Times, Book Antiqua ou Garamond par exemple, taille 14, interligne 1.15 pour aérer ni trop ni trop peu, et un retrait première ligne de 0,5 pour une meilleure lisibilité. Ensuite, entrons dans les détails qui fâchent :
Le tiret cadratin et les sauts de puce
LE grand classique par lequel sont passés un jour à peu près tous les auteurs. Dans Word, quand on tape un tiret (avec la touche 6) puis une espace (le genre du mot « espace » fait débat, mais historiquement il est féminin en typographie), le gentil logiciel pense nous faciliter la vie en se mettant en mode « liste à puces ». Il faut bannir cet automatisme ! Cela se configure dans les options (Fichier/Options/Vérifications/Options de corrections automatiques/Lors de la frappe : décocher « listes à puces automatiques »).
Pour la présentation des dialogues, c’est un tiret cadratin qu’il faut utiliser. On peut le taper avec CTRL+Alt+ la touche – du pavé numérique (cela ne marche pas avec le tiret du 6, donc sur ordinateur portable, cette solution ne fonctionne pas), sinon on le trouve dans les caractères spéciaux, ou on peut configurer un raccourci clavier pour aller plus vite (par exemple, deux fois le tiret du 6).
Il doit toujours être suivi d’une espace insécable : CTRL+Alt+barre d’espace pour ceux qui veulent le faire manuellement, sinon Antidote le gère très bien dans le volet typographie.
Pour conclure
Vous voilà avec toutes les clés pour relire et corriger votre roman de façon efficace. Attention cependant, si vous êtes autoédité, ce travail de fond ne suffira pas à atteindre la qualité que l’on attend d’un roman publié : le passage par un correcteur professionnel est fortement recommandé. Moi-même, j’ai décidé d’avoir recours à une collègue pour les articles de mon futur blog, car c’est très compliqué d’avoir le recul nécessaire sur son propre texte.
Mon ultime astuce : prendre des notes ! Pour chaque manuscrit, j’ai une double page dédiée dans mon carnet de notes. Questions en suspens, vérifications à faire, choix typographiques ou orthographiques… À force de chercher des règles d’orthographe et de grammaire, les idées s’embrouillent. Parfois, les manuels ne sont pas d’accord et il vous faudra faire des choix. Prendre des notes est le meilleur moyen de garder une même ligne de conduite tout le long de votre roman, et surtout, de ne rien oublier.
Emmanuelle Billant a décidé de se professionnaliser pour vivre de sa passion. Après le passage du certificat Voltaire en 2020, elle complète avec une formation de relecteur-correcteur auprès du CEC (Centre d’écriture et de communication) de mars 2021 à février 2022. Découvrez son parcours et ses prestations sur son site : plume-en-main.com
1 réflexion au sujet de “5 étapes pour relire et corriger son roman”