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10 figures de style pour améliorer son écriture

Certaines sont utilisées spontanément. D’autres sont travaillées et mûrement réfléchies pour atteindre l’effet souhaité. Elles, ce sont les figures de style. Compagnes indispensables de l’écrivain.e, elles pimentent la phrase, la réhaussent, lui offrent un certain cachet. Et le lecteur de s’arrêter sur l’effet, de le souligner parfois, de le relire souvent.

Dans cet article, nous allons nous pencher sur les dix figures de style les plus fréquemment utilisées en littérature pour en observer la portée et vous offrir des exemples. 

Comparaison et métaphore

La comparaison

La comparaison rapproche deux éléments et enrichit l’histoire pour permettre au lecteur de faire travailler son imaginaire. Pour faire mouche, la comparaison doit éviter l’écueil du banal, du vu et revu. 

« Ce n’étaient qu’amours, amants, amantes, dames persécutées s’évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu’on tue à tous les relais, chevaux qu’on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes. »

Madame Bovary de Gustave Flaubert

Dans cet exemple tiré du fameux roman de Flaubert, Madame Bovary, nous avons deux comparaisons éculées : « braves comme des lions, doux comme des agneaux ». Et, soudain, nous ne pouvons que nous arrêter sur cette superbe comparaison, très parlante et originale : « qui pleurent comme des urnes »

Dans cet autre exemple, tiré d’un roman bien plus contemporain. Dans ce livre, Najat ou la survie de Rania Berrada, le personnage de Najat, qui vient d’arriver en France, malgré ses hautes études, peine avec certaines tournures du français. Son beau-fils se moque d’elle et l’autrice écrit :

« La complicité du père plus encore que la remarque du fils frappe Najat en plein Cœur. Mais elle ne remet pas Rayane [son beau-fils, ndlr] à sa place. Najat rit et ses rires d’adultes sont comme des pelletées de terre qu’elle jette sur la honte pour l’ensevelir

Ici je me mets aisément à la place de cette jeune femme et j’éprouve une honte d’autant plus brûlante qu’elle est visuelle. 

La métaphore

Contrairement à la comparaison, la métaphore n’a pas besoin d’un outil de comparaison. Elle est directe et peut ainsi requérir un effort d’interprétation de la part du lecteur. L’objet, la personne ou le concept décrits sont directement remplacés par l’image à laquelle ils sont associés sans introduction d’outils de comparaison (« comme », « tel que », « pareil à », etc.).

« Le cavalier murmurait entre ses dents des mots qui s’évaporaient dans la chaleur », écrit Laurent Gaudé dans son roman, prix Goncourt 2004, Le Soleil des Scorta.

L’ambiance du roman, qui se déroule dans les Pouilles en Italie, est moite, lourde et incandescente. L’auteur ne fait que contribuer à l’installer davantage en utilisant cette métaphore tout à fait parlante.

Les figures d’accumulation

L’accumulation

Avec l’accumulation, l’auteur.e amasse un grand nombre de mots, avec des sonorités proches, pour marquer le lecteur et lui donner à voir de manière spectaculaire ce qu’il ou elle veut lui montrer.

« Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu’à aujourd’hui, la plus brillante, la plus digne d’envie… »

Lettres de Madame de Sévigné

« Presque tout survient comme par incidence. Surtout l’essentiel. La langue. Elle se fait habilleuse. D’histoires, de mots, d’espaces. C’est seulement après, presque subrepticement, qu’elle se fait vaisseau d’imaginaires, qu’elle se livre nue, sans mystère, pour dire scrupuleusement ce qu’elle entend, parfois le faire sobrement, chichement, ou alors elle se cabre, joue, louvoie, aguiche, fait languir avant de s’éclipser. Ainsi va la langue des livres, avant de nous livrer son langage. »

Baroque sarabande de Christiane Taubira

L’effet est ainsi amplifié par la répétition de l’idée avec une force chaque fois renouvelée. La phrase s’en trouve exaltée.

L’asyndète

Avec l’asyndète, l’écrivain accumule des mots sans éléments de liaison, ce qui apporte à la phrase du rythme et de l’énergie. L’écriture est directe, elle emporte le lecteur.

Dans La Plus Secrète Mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr raconte l’errance d’un jeune écrivain sénégalais, Diégane Latyr Faye, qui part à la recherche d’un manuscrit mythique. L’écrivain développe également une profonde réflexion sur l’écriture et la place des écrivains. Dans l’extrait suivant, une femme décrit la vieillesse de son père en ces termes :

« Fétide haleine. Crachats visqueux. Incontinence urinaire. Sécrétions anales. Hygiène sommaire. Inévitable pourrissement de l’ensemble. Mon père était une vieille charogne irregardable. »

A-t-elle besoin d’en dire plus pour nous donner à voir cet homme ? En quelques phrases nominales à la fois évidentes et violentes, tout est montré. Et la dernière phrase est à la hauteur des précédentes, les résumant avec l’expression « charogne irregardable ».

La gradation

Avec la gradation, l’écrivain.e accumule les mots ou groupes de mots pour évoquer une même idée, mais avec une intensité croissante jusqu’à la nuance finale. 

En 2010, paraissait aux éditions P.O.L un roman intitulé Organigramme et signé Madame L. Ce livre, composé de textes courts et incisifs, raconte le quotidien écrasant de Madame L., assistante de direction humiliée, qui n’a aucune vie et qui se trouve malmenée par le monde du travail.

« Le patron de Madame L. a décroché la subvention de ses rêves ; il va pouvoir embaucher du personnel et donner à Madame L. des rivales, plein de rivales, tout un harem de rivales ».

On voit ici combien la gradation ternaire ascendante vient contribuer à la vision oppressante et toute-puissante du patron et du monde du travail.

Dans son roman Autour du monde, Laurent Mauvignier part d’un événement, le tsunami survenu au Japon en 2011, pour dessiner une galerie de portraits embarqués dans le mouvement absurde d’une mondialisation folle. Voici ce que l’écrivain écrit quand il veut montrer les corps figés face au chaos du monde :

« Les bandeaux défilent au-dessous des images et c’est comme si les mots se couraient les uns après les autres dans une course poursuite sans fin, effrénée, les commentaires, les faits, l’impuissance à rien circonscrire ni tenir, les mots comme un liquide, une eau qui s’échappe, un torrent et Fancy reste figée devant les images qui ne finissent pas, elles non plus, des dizaines de citernes et de voitures minuscules sous un brasier couleur d’or et de cuivre, des boules de flammes, des bouquets qui enflent, ronflent, gonflent, se déploient au-dessus et recouvrent le ciel d’une couleur épaisse et chaude ».

Comme le personnage, on reste là, dépassé.e.s, impuissant.e.s.

Les figures de construction

Le parallélisme

Avec le parallélisme, l’auteur.e pose deux groupes de mots, deux phrases ou encore deux vers côte à côte en les construisant en suivant la même syntaxe. Cette écriture en parallèle crée une harmonie et un équilibre de rythme. La symétrie donne également une tonalité au texte, à la phrase, elle la module avec une certaine régularité, et, dans le même temps, cela permet à l’écrivain.e d’insister sur l’idée qu’il.elle veut faire passer. 

Dans son dernier roman, Les Innocents, l’écrivain Mahir Guven raconte les années 1990, la jeunesse des pavillons nantais, la Bretagne, la débrouille et le rapport à la filiation. Son héros est un enfant qui n’a pas connu son père et qui va longtemps le rêver. Dans cet extrait, il passe son temps à lui écrire des lettres. L’auteur écrit alors :

« Je raconte tout ça à mon père dans des lettres. J’écris. Mon oncle et ma mère répètent que j’ai une tchatche d’enfer parce que je tartine et je tartine de l’encre. »

La mise en parallèle des deux verbes offre aux lecteurs deux acceptions des choses et offre à la phrase un souffle émouvant. 

L’anaphore

Comme beaucoup de figures de style, l’anaphore vient de la rhétorique antique. Elle est décrite à cette époque comme donnant du « brillant » au style de l’orateur qui l’emploie. 

Qu’est-ce que l’anaphore ? C’est la répétition d’un même mot, ou d’un même groupe de mots au début d’une phrase.L’anaphore permet de mettre en valeur le mot ou groupe de mots répétés. En employant cette figure, l’orateur.rice ou l’auteur.e peut insister sur une sonorité, il.elle peut renforcer son propos en l’appuyant, il.elle peut enfin venir appuyer l’urgence d’une situation (exemple : le J’accuse de Zola). L’anaphore la plus célèbre de ces dernières années reste celle de François Hollande qui, lors du débat qui l’oppose à Nicolas Sarkozy en mai 2012, insiste à plusieurs reprises avec l’anaphore « Moi président… ». 

Autre exemple tiré de Mauvaises herbes, de l’écrivaine libanaise Dima Abdallah :

« Douze ans de checkpoints, douze ans de fermeture d’école, douze ans d’égouts à même la rue. Douze ans de barricades, douze ans de gare-toi sur le côté, douze ans d’ouvre ton coffre, douze ans de donne tes papiers. Douze ans de crépuscule, douze ans de décadence, douze ans de déchéance, d’anéantissement de tout. »

Dans ce roman, sont racontés les traumatismes d’une enfance en guerre à Beyrouth au début des années 1980, les souvenirs qui jaillissent comme des mauvaises herbes, ou encore le déracinement. Avec cet exemple, nul besoin de plus de détails pour comprendre de quoi il s’agit. La répétition des « douze ans » dit tout du quotidien, du désordre, de la peur.

Le zeugma

Le zeugma (ou zeugme) est un procédé stylistique qui fait se coordonner deux termes avec des sens très différents. Le zeugme crée la surprise, le lecteur est épaté par l’imprévu que crée la figure. Le zeugme est souvent comique, mais il peut aussi être très poétique. L’exemple le plus couramment donné est le suivant : « Sors en fermant la porte et ta bouche ».

Dans son recueil intitulé Alcools, Guillaume Apollinaire écrit ce vers :

« Sous le pont Mirabeau, coule la Seine et nos amours »

Et en reliant la Seine et les amours au verbe « couler », le poète crée deux images distinctes, l’une concrète et l’autre abstraite. Il évite ainsi de se répéter et nous prend par la surprise.  

En 1999, le roman Je m’en vais de Jean Echenoz remporte le prix Goncourt. Je m’en vais, c’est ce que dit un jour le héros, Félix Ferrer, à son épouse. Et voilà ce galeriste parisien parti à l’aventure dans le grand Nord à la recherche d’objets d’art inuits. Sauf qu’à son retour, son monde s’écroule peu à peu, et sa vie bascule.

« Un vaste complexe commercial et hôtelier chinois dresse son architecture mandchoue au bord du fleuve et de la faillite. »

Ici le zeugma réveille tout à fait la phrase et en dit long sur l’époque, sur le capitalisme conquérant, en peu de mots.

Les figures d’atténuation

L’euphémisme

L’euphémisme était utilisé déjà dans l’Antiquité pour ne pas dire les termes qui pouvaient attirer le malheur. En utilisant l’euphémisme, les orateurs pouvaient cacher des réalités trop sensibles à l’époque, ils pouvaient parler de sujets tendancieux sans s’attirer les foudres tant des dirigeants que de la population.

L’euphémisme est une figure qui permet d’atténuer une réalité jugée incommodantechoquante ou désobligeante. En voici quelques exemples :

Dans son dernier roman, Ceci n’est pas un fait divers, Philippe Besson s’empare d’un sujet ô combien brûlant, à savoir le féminicide. À la suite de l’assassinat de leur mère, deux enfants vont devoir se débattre avec le chagrin, la culpabilité, la rage. L’extrait ci-après en dit long sur la minimisation des faits qui a souvent cours.

« Avant il a eu le temps de nous affirmer qu’il n’avait pas voulu « tout ça », que les choses avaient dérapé, lui avaient échappé, qu’il ne savait plus ce qu’il faisait, et qu’il s’agissait d’un « terrible accident« . »

Et en lisant cela, le lecteur ne peut qu’enrager, s’insurger face à cette atténuation de faits graves.

La litote

« Va, je ne te hais point » Voilà la litote la plus connue de la littérature française. Une réplique que Corneille a placé dans la bouche de Chimène, qui avoue à Rodrigue qu’elle l’aime toujours dans Le Cid.

La litote est une figure de style qui consiste à atténuer, à en dire moins que ce que l’on pense vraiment, par ironie, par pudeur, ou encore par volonté de mettre en valeur son propose. Le contraste entre ce qui est dit et l’implicite fait s’arrêter le lecteur pour bien en saisir toute la teneur.

Rose est un roman historique signé Tatiana de Rosnay. Dans ce livre, le vieux Paris s’effondre et le Paris haussmannien impose son style à coups d’expropriations. Rose Bazelet habite près de l’église Saint-Germain-des-Prés, son quotidien se fait paisible et rythmé par ses amitiés et habitudes. Jusqu’au jour où tombe une lettre de la préfecture : le tracé du boulevard Saint-Germain passe par chez elle. Une page de l’histoire parisienne se tourne et l’héroïne raconte les traumatismes, la disparition d’une multitude de petits métiers, et l’intime.

« Pour autant je ne suis pas incapable de faire face à cette existence plus rude », écrit l’autrice. 

Une double négation qui laisse pourtant entendre l’inverse au lecteur. 


La liste des figures de style est longue, diverse et variée. Employées à bon escient, elles enrichissent le texte, se mettent au service de la voix de l’auteur.e, réhaussent l’histoire d’une touche de singularité et marquent le lecteur.

Testez-les, jouez avec, intégrez-les dans vos écrits pour leur donner une belle portée.


Assmaâ Rakho-Mom est écrivaine, podcasteuse, chroniqueuse littéraire et boulimique de livres. Elle aime par-dessus tout écrire, raconter des histoires, mettre en scène des récits. Le faire sur divers supports, via différents canaux, et avec des styles variés la stimule grandement. Assmâa Rakho-Mom a été journaliste, correctrice, directrice de collection dans l’édition, chroniqueuse littéraire, avant d’arrêter ces activités pour se consacrer à l’écriture. En parallèle, elle a développé Bookapax, un compte Instagram dédié au livre et à l’écriture, puis un podcast littéraire, leBookapax Podcast. Elle est l’autrice de trois romans : Les cellules de la galère Le fils de Zahwa et Un territoire.

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