S’autoéditer, c’est devenir un professionnel. Et si être écrivain n’est pas votre seule profession, il faut s’assurer que le cumul de ces deux professions est possible. Car, en vous autoéditant, vous allez devoir soit ouvrir une entreprise individuelle (sous le statut d’artiste-auteur, sous le statut de la microentreprise ou sous le statut de l’entreprise individuelle classique), soit ouvrir une société (telle que la SAS, la SASU, la SARL, l’EURL, la SA, la SNC, etc.).
Nous allons voir à travers cet article les règles liées à une double activité. Bien entendu, il ne s’agit que d’une liste générale et non exhaustive, car il n’est pas possible de traiter tous les cas particuliers en seulement quelques lignes. Plusieurs cas seront abordés :
- Le cumul d’auteur autoédité et de salarié
- Le cumul d’auteur autoédité et de professionnel libéral
- Le cumul d’auteur autoédité et d’agent de la fonction publique
- Le cumul d’auteur autoédité et d’auteur édité en maison d’édition (auteur hybride)
- Le cumul d’auteur autoédité et de demandeur d’emploi
- Le cumul d’auteur autoédité et de retraité
- Le cumul d’auteur autoédité et d’étudiant
- Rappel : être auteur autoédité et mineur
Le cumul d’auteur autoédité et de salarié
Le principe : liberté de cumul
Un salarié peut, par principe, librement exercer une autre activité et notamment celle d’autoédition (peu importe la forme juridique et fiscale choisie). Par principe donc, le salarié n’est pas obligé de prévenir sa hiérarchie (même si cela est recommandé).
Toutefois, il existe quelques règles pour vous autoéditer si vous êtes salarié. Tout d’abord, votre livre ne doit pas concurrencer l’entreprise qui vous emploie. Votre livre ne doit en outre pas la dénigrer. Enfin, vous ne devez pas enfreindre vos obligations de confidentialités et de secret professionnel relatives à votre poste, votre métier et votre contrat de travail. Par ailleurs, en tant que salarié, vous ne devez pas non plus utiliser les ressources et le matériel de votre entreprise pour écrire et publier votre livre.
Par exception, cette liberté de vous autoéditer peut être limitée. Néanmoins, les exceptions étant très fréquentes, il est possible parfois de se demander si l’exception ne devient pas souvent la règle.
Exception n° 1 : la clause de non-concurrence
La clause de non-concurrence est une clause insérée au sein de certains contrats de travail. Elle a vocation à limiter, après la rupture du contrat, la liberté d’un salarié d’exercer des fonctions équivalentes chez un concurrent ou à son propre compte. Pour être valable, la clause doit être : limitée dans le temps, limitée à une zone géographique précise, limitée à une activité définie, et elle doit être compensée par le biais d’une contrepartie financière.
Si vous disposez d’une telle clause dans votre contrat de travail, il vous appartient de vérifier qu’elle ne s’applique pas à l’autoédition. Et dans l’hypothèse où elle s’appliquerait à l’autoédition, vous ne pourriez donc pas vous autoéditer librement, sauf à en demander l’autorisation expresse de votre ancien employeur.
Exception n° 2 : la clause d’exclusivité
La clause d’exclusivité est, elle aussi, une clause insérée au sein de certains contrats de travail. Elle peut interdire à un salarié d’exercer en parallèle de son activité une autre activité professionnelle. Contrairement à la clause de non-concurrence, elle s’applique pendant l’exécution du contrat de travail. De plus, elle n’est pas limitée géographiquement. Elle n’est pas non plus obligée d’être limitée aux activités similaires et peut s’étendre à tout type d’activité.
Cette clause est très fréquente dans les contrats des salariés sous le statut de cadre. Mais elle existe aussi dans de nombreuses autres situations.
Si votre contrat contient une clause d’exclusivité, vous n’avez en principe pas le droit d’avoir une autre activité professionnelle en dehors de votre emploi salarié. Si vous souhaitez vous autoéditer, il faudra donc que vous demandiez l’autorisation écrite de votre employeur. La forme de cette autorisation n’est pas précisée par la législation. Ainsi, votre employeur peut vous imposer ses conditions, vous demander le titre de votre livre, son genre et même votre pseudonyme s’il le souhaite. Votre employeur n’a par ailleurs pas d’obligation de vous répondre. Si votre demande reste sans réponse, la demande est réputée refusée.
La clause d’exclusivité s’applique aussi si vous changez de travail et que votre nouveau contrat contient une telle clause. Il faudra alors demander à votre employeur s’il vous autorise à poursuivre votre activité d’autoédition.
Le cumul d’auteur autoédité et de professionnel libéral
Les professions libérales non règlementées
Cela concerne toutes les personnes qui exercent à titre non salarié des professions comme celles de formateur, de traducteur, de consultant, etc. Ces personnes n’exercent une activité ni commerciale, ni artisanale, ni industrielle, ni agricole.
Dans ce cas de figure, le cumul de l’autoédition et de votre profession libérale est possible. Toutes les formes juridiques pour vous autoéditer sont possibles.
La seule limite c’est que votre livre autoédité et votre activité d’autoédition ne doivent pas être contraires à votre fonction et qu’ils ne contreviennent pas à votre secret professionnel ou aux règles de votre secteur.
Les professions libérales règlementées
Cette catégorie concerne toutes les professions qui ont des règles déontologiques et qui sont soumises au contrôle d’une instance professionnelle tel qu’un ordre, une chambre ou un syndicat. Font partie des professions libérales règlementées les avocats, les notaires, les médecins, les experts-comptables, les psychologues, les diététiciens, etc.
Il vous appartient dans ce cas de regarder les règles applicables à votre profession. Il est probable que vous deviez demander l’autorisation de votre ordre, chambre ou syndicat pour vous autoéditer.
En général, il n’est pas possible pour ces professions de cumuler plusieurs activités, et notamment des activités commerciales, même à titre accessoire. En revanche, le statut d’artiste-auteur est un statut qui permet de générer uniquement des bénéfices non commerciaux. En cas de possible cumul d’activités, ce statut semble être le plus adapté.
Le cumul d’auteur autoédité et d’agent de la fonction publique
Sont concernés ici les fonctionnaires, les agents sous contrat de droit public, ainsi que certains agents sous contrat de droit privé travaillant pour un employeur personne publique.
Les statuts possibles
Un fonctionnaire ne peut pas participer aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif. Il lui reste donc le statut d’artiste-auteur, la microentreprise ou l’entreprise individuelle classique. Mais, là encore, des règles s’appliquent.
Les règles
Le principe : l’impossible cumul
À l’inverse des salariés, le fonctionnaire ou l’agent public à temps plein ne peut pas, par principe, cumuler plusieurs activités professionnelles. Le fonctionnaire ou agent public souhaitant créer une entreprise doit effectuer une demande de travail à temps partiel. Son temps de travail sera alors inférieur ou égal à 70 % de la durée légale de travail.
Exception n° 1 : l’activité accessoire
Par exception, le fonctionnaire ou agent public à temps plein peut, sous certaines conditions, avoir une activité accessoire. Mais il ne peut pas avoir n’importe quelle activité accessoire. La liste des activités accessoires possibles a été précisée au sein du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique. Parmi cette liste, figure « la vente de biens fabriqués personnellement par l’agent ». Un livre autoédité peut éventuellement répondre à cette définition.
Toutefois, il y a plusieurs conditions pour pouvoir exercer une activité accessoire. Tout d’abord, cette activité doit être compatible avec vos obligations de service. Elle ne doit pas non plus porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité de votre service ou à vos principes déontologiques.
De plus, pour exercer une activité accessoire, il faut au préalable obtenir l’autorisation de votre administration. Vous devez adresser à l’autorité hiérarchique dont vous relevez une demande écrite qui comprend : (1) la nature du statut juridique et fiscal choisi, ainsi que (2) la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité accessoire. Votre autorité hiérarchique devra ensuite accuser réception de cette demande. Elle peut vous demander également sous une quinzaine de jours des informations complémentaires.
Par la suite, votre autorité hiérarchique doit vous répondre dans un délai d’un mois à compter de la réception de votre demande. Elle peut accepter totalement votre demande, l’accepter en émettant des réserves et des recommandations, ou bien vous la refuser. En l’absence de réponse dans un délai d’un mois, votre demande est réputée rejetée.
Enfin, l’activité accessoire ne peut être exercée qu’en dehors de vos heures de service.
Exception n° 2 : la création d’œuvres de l’esprit
Il existe également une autre exception à l’impossibilité pour les fonctionnaires ou agents publics d’avoir une autre activité : l’article L.123-2 du Code général de la fonction publique dispose que « La production des œuvres de l’esprit par un agent public […] s’exerce librement […] ». Cela peut concerner la création de livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques, ainsi que des activités d’illustration.
Dans ce cas de figure, vous n’avez pas besoin d’autorisation préalable de votre hiérarchie ; toutefois, vous êtes obligés de les informer. La loi ne prévoit pas ce que doit contenir cette information, mais on peut supposer qu’il s’agit de la nature de votre livre, et de la nature du statut juridique et fiscal choisi.
En outre, l’œuvre créée et exploitée doit respecter les obligations de secret et de discrétion professionnelle auxquels vous êtes tenus.
L’articulation entre les exceptions
À l’origine, l’exception concernant la création d’œuvres de l’esprit concernait plutôt les auteurs qui étaient publiés en maison d’édition. En étant publiés en maison d’édition, les auteurs acquièrent le statut d’entrepreneur individuel sous le statut d’artiste-auteur et peuvent déclarer leurs revenus en tant que traitements et salaires (ce sont alors leurs éditeurs qui payent leurs cotisations sociales).
Pour les auteurs autoédités, jusqu’en 2021, il n’était pas possible d’avoir le statut d’artiste-auteur. Ce statut leur est dorénavant ouvert. Toutefois, les auteurs autoédités, s’ils choisissent ce statut, doivent déclarer et payer eux-mêmes leurs cotisations sociales et ne peuvent pas déclarer leurs ventes aux impôts en tant que traitements et salaires ; ils doivent alors les déclarer en tant que bénéfices non-commerciaux.
La différence entre l’exception de l’activité accessoire et l’exception de la création d’œuvres de l’esprit est ténue. Pourtant, dans un cas l’activité est soumise à autorisation, et dans l’autre elle est seulement soumise à une simple information de la hiérarchie. Comment savoir dans quelle exception on se situe ?
Si l’on s’en tient strictement aux mots des textes, l’exception de l’activité accessoire concerne « la vente », et celle des œuvres artistiques concerne la « création ». Ainsi, il serait possible d’en conclure que la création est soumise à information et la vente à autorisation.
Dans la pratique, il semble que l’articulation de ces exceptions soit disparate en fonction des administrations. Certaines administrations ne semblent demander qu’une simple information pour l’autoédition sous le d’artiste-auteur et d’autres une autorisation. L’autoédition est encore assez méconnue et aucun mécanisme juridique ne vient préciser à l’heure actuelle quelle interprétation l’emporte.
Le cumul d’auteur autoédité et d’auteur édité en maison d’édition (auteur hybride)
Les auteurs peuvent aussi cumuler plusieurs activités d’édition. Il est donc tout à fait possible d’avoir plusieurs statuts : par exemple, ils peuvent être sous le statut d’artiste-auteur et de micro-entrepreneur en même temps. Ils peuvent aussi être artistes-auteurs et avoir une société en même temps.
Pour les auteurs hybrides, la forme juridique la plus appropriée est celle d’artiste-auteur. Les auteurs édités en maison d’édition doivent être artistes-auteur : ils n’ont pas le choix de leur statut.
Lors de la conclusion d’un contrat d’édition, s’ils ont déjà ce statut, ils peuvent déclarer leurs revenus en micro-BNC ou en BNC selon la formule qu’ils ont choisie.
S’ils n’ont pas encore le statut, il est aussi possible pour eux de déclarer leurs revenus issus des maisons d’édition en tant que traitements et salaires et dans ce cas c’est la maison d’édition qui paye les cotisations sociales de l’auteur auprès de l’URSSAF (c’est ce que l’on nomme le « précompte »).
Néanmoins, les revenus issus de l’autoédition ne peuvent pas être précomptés et l’auteur doit déclarer lui-même ses revenus à l’URSSAF et payer ses cotisations sociales.
Sous le statut d’artiste-auteur, il est également possible pour les auteurs hybrides d’avoir une partie de leurs revenus précomptés par leur maison d’édition, et une autre partie qui ne l’est pas pour leurs revenus issus de l’autoédition.
Les auteurs hybrides peuvent également cumuler leurs deux activités d’édition avec un autre métier, et dans ce cas les règles précédemment énoncées s’appliquent.
Le cumul d’auteur autoédité et de demandeur d’emploi
Une personne au chômage peut tout à fait s’autoéditer sans demander d’autorisation à Pôle Emploi. En revanche, selon le statut juridique qu’elle choisit, les règles seront différentes.
Par exemple, une personne ayant une microentreprise ou une entreprise individuelle classique devra déclarer chaque mois son chiffre d’affaires auprès de Pôle Emploi et lui transmettre toutes les déclarations qu’elle aura faites auprès de l’URSSAF (qu’elles soient mensuelles ou trimestrielles). Si vous êtes dans ce cas de figure, les revenus issus de votre entreprise ne doivent pas dépasser votre salaire journalier de référence, sinon vous ne pourrez pas toucher l’Aide au Retour à l’Emploi (ARE). Par ailleurs, les sommes gagnées au titre de votre entreprise seront déduites en partie de votre ARE.
Pour les personnes optant pour le statut d’artiste-auteur, les règles sont différentes. Les droits d’auteur des personnes sous le statut d’artiste-auteur ne sont pas à déclarer à Pôle Emploi. Seules les activités accessoires définies à l’article R.382-1-2 du Code de la sécurité sociale doivent être déclarées auprès de Pôle Emploi. Dans ce cas, là aussi, le montant des activités accessoires sera déduit de l’ARE.
Le cumul d’auteur autoédité et de retraité
Un retraité n’a pas besoin d’autorisation pour pouvoir s’autoéditer. Il peut ouvrir tout type de structure pour s’autoéditer.
Ainsi, il peut librement compléter ses revenus avec ceux de l’autoédition, mais il doit toutefois remplir deux conditions cumulatives : (1) il doit tout d’abord avoir l’âge légal de départ à la retraite ainsi qu’avoir (2) l’âge d’obtention automatique de la retraite à taux plein. C’est ce que l’on appelle le « cumul libre ».
Pour les personnes qui ne rempliraient pas ces deux conditions, il y a ce que l’on appelle le « cumul plafonné ». Dans ce cas, vous ne devez pas dépasser un certain seuil : 2368,43 € par mois, ou bien le dernier revenu perçu au nom de l’activité avant la liquidation de vos pensions. Si vous dépassez l’un de ces plafonds, votre pension de retraite ne sera plus versée tant que votre activité génère des revenus supérieurs à ces seuils.
Le cumul d’auteur autoédité et d’étudiant
Un étudiant peut tout à fait s’autoéditer sans en référer ou demander une quelconque autorisation. Il peut ouvrir tout type de structure juridique pour s’autoéditer.
Toutefois, il devra veiller à respecter les règles particulières de sa future profession, notamment s’il souhaite exercer une profession libérale règlementée.
De plus, les étudiants boursiers qui sont rattachés au foyer fiscal de leurs parents pourraient perdre le bénéfice de leur bourse étant donné que la bourse est calculée à partir du montant des revenus déclarés par les parents. En effet, les étudiants de moins de 25 ans peuvent rattachés au foyer fiscal de leurs parents, mais dans ce cas, les parents doivent déclarer à la fois leurs revenus et ceux de leurs enfants dans leur déclaration.
Être auteur autoédité et mineur
Ce cas de figure a déjà été évoqué dans un précédent article. Je vous laisse donc vous y reporter.
Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition.
Littéraire dans l’âme, sa pratique du droit se complète à une sensibilité artistique la conduisant à prendre en considération toutes les étapes de création d’une œuvre. Dans cet objectif, elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre. Celui-ci est aussi bien à destination des auteurs que des éditeurs et a pour rôle de réunir les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre.
Si d’ailleurs vous souhaitez approfondir certaines questions ou thématiques abordées au sein des articles juridiques présents sur Kobo Writing Life, le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre est fait pour vous !
En plus de ses activités de juriste et d’autrice, Elvire Bochaton est également rédactrice juridique, conférencière et formatrice pour délivrer de l’information juridique aux auteurs et les accompagner durant tout leur processus créatif et de publication.
Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités.
Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
Son compte Instagram : https://www.instagram.com/livre_legalite
Bonjour et merci pour cet article instructif. Qu’en est-il du cumul d’auteur auto-édité et de pensionné d’invalidité de catégorie 2 ? C’est un sujet que je recherche souvent sans jamais trouver de réponse. Le sujet est délicat car il pourrait faire perdre la pension. Si vous avez quelques lumières sur le sujet… Merci bien. Nicolas.
Bonjour Nicolas, Je suis désolée, nous n’avons malheureusement pas traité ce cas. Auriez-vous la possibilité de joindre votre organisme de référence ? Merci pour votre question. Très belle journée.