Votre livre est terminé, vous l’avez peut-être même autoédité et vous vous apercevez que quelqu’un vous a copié ou a repris votre texte sans vous demander votre consentement. Dans ce cas de figure, c’est tout à fait normal d’être en colère et de vouloir faire quelque chose. Mais comment s’y prendre ? Quelles justifications pouvez-vous invoquer ? Le but de cet article est de vous aider à mieux comprendre vos droits pour pouvoir les faire respecter.
Il existe plusieurs cas dans lesquels vous pouvez agir. Je vais vous donner une liste d’exemples avant de détailler ensuite vos possibilités d’actions.
Les différents cas de copie/plagiat/contrefaçon
(liste non exhaustive)
La reprise d’une idée ?
Si vous avez bien suivi mes précédents articles juridiques, vous savez qu’une idée n’est pas appropriable. Les idées sont de « libre parcours ». Vous ne pouvez pas empêcher quelqu’un d’avoir la même idée que vous, car l’idée est une image mentale et abstraite. Le droit d’auteur protège uniquement ce qui est concret, c’est-à-dire la forme tangible qu’a prise cette idée et qui peut être perçue par l’un des cinq sens.
Par exemple, beaucoup de romans d’enquête policière auront pour personnage un policier passionné par son métier, que personne ne croit et qui va finir par enquêter seul avant de découvrir qui est véritablement le coupable d’un crime. Pourtant, est-ce que tous les romans d’enquête policière sont des plagiats les uns des autres ? Non, car chaque auteur a mis en forme cette idée de base selon sa propre sensibilité, ses propres envies et selon sa propre patte artistique. Il n’est donc pas possible de reprocher à quelqu’un d’avoir eu la même idée que vous.
Les inspirations et les ressemblances ?
Nous sommes tous le fruit de notre environnement. Les auteurs mettent souvent dans leurs œuvres des inspirations issues de ce qu’ils ont lu, regardé ou écouté. L’inspiration n’est en elle-même pas sanctionnable.
Elle peut en revanche le devenir lorsque de nombreux éléments deviennent communs aux deux œuvres et que l’on peut difficilement les distinguer. Que faire si les idées identiques s’accumulent jusqu’à ce que la ressemblance entre les œuvres soit troublante ? Cela peut, dans ce cas, être considéré comme du plagiat dans le langage courant, le langage juridique parlera de contrefaçon. La contrefaçon s’établit au regard des ressemblances entre les œuvres et non au regard de leurs différences.
Mais à partir de quand considère-t-on qu’il y a contrefaçon et non plus inspiration ? La limite entre inspiration et plagiat n’est pas inscrite dans la loi. Elle n’a pas non plus été fixée par les décisions de justice. Le droit d’auteur est une matière très subjective qui est laissée à la libre appréciation du juge qui sera chargé de trancher le litige. C’est donc au cas par cas, en fonction des œuvres, qu’un juge va estimer qu’il y a contrefaçon ou non. En l’absence de décision de justice, c’est donc à vous d’estimer si les ressemblances vous semblent trop fortes ou non.
Les reformulations et paraphrases ?
Reformuler ou paraphraser est aussi considéré par la loi comme de la contrefaçon. Dans ce cas de figure, vous pouvez demander à la personne de cesser ses agissements.
La copie servile (mot à mot)
Il y a des cas où la contrefaçon ne fait aucun doute : lorsqu’une personne tierce a repris à son compte vos écrits, en totalité ou en partie, en les copiant mot à mot sans vous demander votre autorisation.
La citation ?
Nous avons vu dans un précédent article les 5 conditions cumulatives pour faire une citation en toute légalité. Si toutes ces conditions sont remplies par la personne tierce, il s’agit d’une citation, et vous ne pouvez donc pas vous opposer à son utilisation.
Mais si l’une de ces 5 conditions n’est pas remplie, il ne s’agit alors plus d’une citation au sens de la loi, mais bien d’une contrefaçon. Dans ce cas, vous pouvez agir contre cette personne tierce.
La modification de votre œuvre
Vous disposez d’un droit moral sur votre œuvre. Par le biais de ce droit moral, vous pouvez vous opposer à toute dénaturation de votre œuvre : modification, adaptation, transformation, etc. C’est ce que l’on appelle le droit au respect de l’œuvre. Par exemple, si quelqu’un venait à créer une fanfiction issue de votre roman, vous pouvez vous y opposer.
L’absence de mention de votre nom d’auteur
Le droit moral, plus précisément le droit à la paternité, suppose également que le nom de l’auteur apparaisse à côté ou sur son œuvre. Quelqu’un qui copie votre texte sans inscrire votre nom dans les « crédits » est considéré comme un contrefacteur par la loi. Vous êtes donc en droit de demander l’inscription de votre nom à côté de votre œuvre.
La divulgation non autorisée de votre œuvre
La divulgation de votre œuvre vous appartient. Cela signifie que c’est à vous de décider quand et de quelle manière vous allez rendre vos écrits publics pour la première fois. Si quelqu’un publie votre œuvre avant vous et sans votre autorisation, vous êtes en droit d’en demander le retrait.
Les différentes étapes pour agir contre un contrefacteur
La collecte de preuves
Dire que quelqu’un vous a contrefait, c’est une chose. Mais pouvoir le prouver, c’est essentiel. Pour commencer, il faut donc que vous partiez à la recherche de diverses preuves.
Tout d’abord, il faudra que vous puissiez prouver que vous êtes l’auteur de votre ouvrage. Si vous avez procédé à un dépôt selon les préconisations que je vous avais faites, votre preuve est toute constituée. Mais si vous n’avez pas fait de dépôt, il faudra partir à la recherche d’autres preuves (trouver des emails contenant votre manuscrit en pièce jointe, par exemple). Si votre livre est déjà autoédité, le fait que votre nom soit sur la couverture est aussi une preuve.
Ensuite, il faudra également prouver l’existence même d’une contrefaçon faite par un tiers. Pour cela, vous pouvez par exemple faire procéder à un constat ou bien à une saisie-contrefaçon par un commissaire de justice.
La rédaction d’une lettre de mise en demeure
Qu’est-ce qu’une mise en demeure ?
L’étape suivante est la rédaction d’une lettre de mise en demeure. Une lettre de mise en demeure est une lettre juridique envoyée en courrier recommandé avec accusé de réception. Le but de cette lettre est de faire peur à son destinataire afin qu’il cesse ses agissements. En clair, vous dites à cette personne que vous avez découvert ce qu’elle a fait, que vous n’êtes pas d’accord, que vous avez des droits et que vous ne lâcherez pas l’affaire.
Cela suppose que vous trouviez l’adresse postale de votre contrefacteur. Si vous ne la trouvez pas, vous pouvez exceptionnellement envoyer cette lettre par email ou sur les réseaux sociaux. Mais vous n’obtiendrez pas forcément la preuve que ce courrier a été reçu par son destinataire.
Comment l’écrire ?
Les lettres de mise en demeure comportent un certain nombre de mentions obligatoires. À ce titre, le nom « mise en demeure » doit apparaitre dans l’objet de la lettre. En entête doivent également être mentionnées la date de rédaction, ainsi que les coordonnées du destinataire et celles de l’expéditeur. Dans le corps de la lettre, il faudra inscrire un paragraphe exposant le litige et ce que vous reprochez à la personne, puis un second paragraphe avec votre réclamation. Vous pouvez y inscrire des textes de loi ou des citations de décisions de justice en fonction du contexte si vous en connaissez. Vous pourrez terminer votre lettre en impartissant un délai au contrefacteur pour qu’il réalise ce que vous souhaitez. Enfin, vous terminerez votre lettre par votre signature.
Vous pouvez rédiger cette lettre vous-même, à l’aide de modèles. Vous trouverez, par exemple, des modèles dans le Guide de Survie Juridique pour écrire et Publier son Livre dont je suis l’autrice ou sur mon site internet. Ces modèles sont à adapter en fonction de votre situation.
Si vous ne souhaitez pas effectuer ce travail tout seul, vous pouvez demander à un avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle de la rédiger entièrement pour vous.
Que pouvez-vous exiger dans votre lettre ?
Vos droits d’auteur vous appartiennent et si votre consentement n’est pas respecté, vous êtes tout à fait légitimes à demander, selon les cas et vos envies :
- le retrait du contenu ou de la publication et sa non-diffusion ;
- une rétribution sous forme de somme d’argent pour l’utilisation passée, présente et éventuellement à venir de votre œuvre ;
- la mention de votre nom ou de votre pseudonyme ;
- des dommages-intérêts (chiffrés).
Agir au civil ou au pénal ?
Si votre courrier reste lettre morte ou bien que vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord, il est possible de poursuivre les actions.
Vous pouvez choisir la voie civile et attaquer cette personne devant le tribunal judiciaire, pour demander la cessation de la contrefaçon ainsi que des dommages-intérêts. Vous pouvez agir au civil dans les cinq ans à compter du jour où vous avez connu ou auriez dû connaître le dernier fait de contrefaçon. Cette action en contrefaçon suppose que vous preniez un avocat. Les procédures sont parfois longues et coûteuses : il vous appartient de faire la balance entre les coûts de la procédure et les gains que vous pouvez espérer.
Vous pouvez aussi décider de porter plainte au commissariat ou auprès du Procureur de la République (voie pénale) dans les trois ans à compter de la cessation de la contrefaçon. Dans ce cas, le contrefacteur risque une amende et une potentielle peine de prison. Néanmoins, ce type de procédure fonctionne mieux en cas de contrefaçon de grande ampleur. Les contrefaçons de petite échelle peuvent être classées sans suite.
Vous savez donc à présent ce que vous pouvez faire en cas de contrefaçon de la part d’un tiers. En cas de question supplémentaire concernant votre cas personnel, n’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle.
Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition.
Littéraire dans l’âme, sa pratique du droit se complète à une sensibilité artistique la conduisant à prendre en considération toutes les étapes de création d’une œuvre. Dans cet objectif, elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre. Celui-ci est aussi bien à destination des auteurs que des éditeurs et a pour rôle de réunir les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre.
Si d’ailleurs vous souhaitez approfondir certaines questions ou thématiques abordées au sein des articles juridiques présents sur Kobo Writing Life, le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre est fait pour vous !
En plus de ses activités de juriste et d’autrice, Elvire Bochaton est également rédactrice juridique, conférencière et formatrice pour délivrer de l’information juridique aux auteurs et les accompagner durant tout leur processus créatif et de publication.
Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est l’une de ses priorités.
Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.
Son site internet : www.elvire-bochaton.com
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