Un jour, je regardais une émission qui n’existe plus aujourd’hui et qui s’appelait « La Parenthèse inattendue ». L’un des invités n’était autre que l’écrivain Daniel Picouly. Il expliquait ce soir-là que, quand il rencontrait des gens qui lui demandaient comment raconter une bonne histoire, il leur donnait toujours le même conseil : « Mettez un obstacle entre vous et votre désir, et vous aurez toutes les histoires du monde ! »
Bernard Werber, lui, compare la structure narrative au squelette humain. Sans lui, on ne tient pas debout. Sans structure stable, l’histoire ne tient pas la route. Elle se traîne, elle est bancale et elle finit par s’écrouler. La structure narrative est donc essentielle à votre récit et vous allez en découvrir les principes dans cet article.
Pourquoi maîtriser sa structure narrative ?
Pour qu’une histoire, même simple, devienne éclatante et soit pleinement exploitée, pour qu’elle soit amenée de la meilleure façon possible et qu’elle entre en résonance forte avec le lecteur, il faut se pencher sur la forme du récit et sur ses limites. Il convient donc d’étudier les multiples façons d’ordonner les différentes étapes du texte. La connaissance des mécanismes narratifs vous donnera les clés pour améliorer vos intrigues, jouer avec le lecteur, prendre des libertés avec le schéma narratif classique et surprendre, émouvoir, tenir en haleine ceux qui vous liront.
Intéressez-vous aux structures narratives, étudiez-les, décortiquez-les. Que ce soit au travers d’ouvrages dédiés à l’écriture ou à travers vos propres lectures, observez la manière dont est construit le récit. Cette étude vous servira de guide quand, à votre tour, vous aurez à cœur d’écrire et de raconter. Elle vous permettra aussi de prendre du recul sur votre texte, de le sortir des ornières ou au contraire de vous assurer qu’il tient la route.
Préparer et travailler la structure narrative de son récit ne bride nullement la créativité. La structure vous donne un cap à tenir, elle vous offre une route balisée et vous permet d’être confiant pendant le processus de création. Vous utilisez sûrement déjà de manière instinctive les techniques et méthodes relatives à la structure narrative, mais les étudier en conscience et les maîtriser va encore renforcer votre efficacité.
Les 7 étapes clés
Une fois que votre intrigue principale et les forces en présence (personnages principaux, adjuvants, opposants) sont définis, il vous faut réfléchir aux différentes étapes qui vont rythmer le récit.
1. L’accroche
Votre histoire commence avec une accroche. C’est le moment, essentiel pour vous, d’empoigner le lecteur pour ne plus le lâcher. Il doit avoir envie de lire la suite. Il doit être immédiatement accroché par les prémices de l’intrigue. Même si elle reste implicite, elle peut transparaitre en filigrane dès les premières lignes. Dans les premières pages de votre histoire, il vous faut intriguer le lecteur, faire en sorte qu’il ne cesse de s’interroger, de chercher, de réfléchir, mettre son imagination en branle et ne jamais cesser de l’alimenter.
👉🏼 Retrouvez des exemples d’accroches et des conseils dans cet article : « Réussir son incipit ».
2. L’installation du lecteur
Maintenant que vous avez piqué la curiosité de votre lecteur, il faut l’immerger complètement dans les lieux. C’est là qu’interviennent la présentation des personnages, la mise en place de l’environnement et l’approfondissement des enjeux à venir. Vous devez faire en sorte que le lecteur se préoccupe de vos personnages, qu’il s’y attache émotionnellement pour se soucier de ce qui va leur arriver.
Ici, l’action peut ralentir pour vous laisser le temps d’étoffer votre univers. Prenez alors soin de dessiner vos personnages de telle sorte qu’ils aient des caractéristiques marquantes, qu’ils soient complexes, qu’ils soient inoubliables. (👉🏼 Plus de conseils sur la construction des personnage ici).
Dans cette partie, chaque scène a son importance. Elle doit faire avancer le lecteur dans sa compréhension des enjeux du récit et stimuler son imagination avec de nouveaux indices. Doucement mais sûrement, vous êtes en train de l’orienter vers le premier nœud dramatique.
3. L’événement déclencheur
Qu’est-ce que l’élément déclencheur ? C’est le moment dans la vie de votre héros qui va tout changer. En d’autres termes, c’est l’événement qui va l’emmener vers le principal nœud de l’histoire. Pour construire et écrire cet événement, demandez-vous ce qui pourrait amener votre personnage vers l’intrigue principale, ce qui pourrait déclencher l’action.
L’événement déclencheur est subi par le personnage. Si ses actions l’y mènent, ce n’est pas son intention au départ. Cet incident le propulse en dehors de son monde ordinaire. Le personnage est confus, il perd l’équilibre qu’il a maintenu jusqu’ici.
Cet incident déclencheur doit toucher personnellement le héros. Il faut chercher ce qui le concerne intimement et cela peut mettre en jeu une personne ou un objet particulièrement important à ses yeux. Par exemple, l’incident peut être une trahison, qui fait alors vaciller les croyances du personnage.
4. Le 1er nœud dramatique
Ici, la situation initiale connaît une rupture. L’événement déclencheur a lancé l’histoire, le premier nœud dramatique en constitue le moteur, la tension qui donne du piment au récit. Il pose un problème au personnage. On est généralement au premier quart du roman et, à partir de là, les événements vont se succéder, découlant les uns des autres. Un exemple ? Cendrillon ! Dans ce conte, l’événement déclencheur est ce bal auquel la jeune femme désire participer. Quant au premier nœud dramatique, c’est l’opposition de sa belle-mère.
Le premier nœud dramatique est aussi un point de non-retour. Les personnages, les lieux, l’ambiance, les enjeux, tout est en place quand un raidissement survient. Le personnage n’a d’autre choix que de réagir.
Ce premier nœud réveille l’histoire, il fait en sorte qu’elle ne traîne pas et que le lecteur ne s’ennuie pas. Ce nœud, c’est la première embardée, le premier tournant. Faites en sorte que cette fin de premier acte frappe le lecteur et l’empêche de fermer le livre.
5. Le 2e nœud dramatique
Il intervient au milieu de l’histoire et constitue un moment de vérité. Tout change de nouveau pour le personnage qui est entraîné dans une situation en apparence insoluble et qui ne peut revenir en arrière. Mais il comprend maintenant les enjeux de la situation et passe à l’action.
6. Le point culminant ou climax
Voici venue l’heure de la confrontation finale entre le personnage et son antagoniste. Ici, le conflit devra être résolu, une fois pour toutes. Pensez bien à rester pertinent, cohérent et à faire en sorte d’entrer en résonance avec votre lecteur.
7. Le dénouement
La tension redescend, il est temps de conclure l’histoire. Le lecteur découvre comment le personnage principal s’adapte à son nouvel équilibre.
Différents découpages
Toutes les étapes évoquées plus haut structurent une histoire. Ce sont autant de pièces qui en composent le squelette. Mais ces pièces, l’auteur est libre de les assembler comme il veut, tout en conservant une cohérence et en évitant de perdre le lecteur.
Le découpage ou agencement classique, celui qu’on apprend dès le collège quand on étudie l’art dramatique, c’est le découpage en trois actes :
- L’acte 1 correspond à la situation initiale : qui sont les personnages ? Quelles relations entretiennent-ils ? Quels sont les lieux ? (Il correspond aux étapes 1 et 2 évoquées précédemment.)
- L’acte 2 correspond aux obstacles que le héros devra éviter ou contre lesquels il devra se battre. Là, on atteindra le point culminant, encore appelé climax. (Étapes 3 à 6.)
- L’acte 3 correspond à la résolution. Le héros a évolué, le monde autour de lui a également changé et l’histoire atteint un nouvel équilibre. (Étape 7.)
Ce découpage, cette structure narrative constitue une base à partir de laquelle vous pouvez développer une multitude de variantes. Penchons-nous sur quelques-unes d’entre elles !
- La structure linéaire : elle suit l’ordre chronologique de l’histoire.
- La structure emboîtée : on a un récit dans un récit, une mise en abyme avec une narration émanant de voix différentes.
- La structure en parallèle : on suit l’évolution d’au moins deux histoires, deux figures importantes, avec un thème commun qui va rassembler les personnages à un moment donné.
- La structure présent/passé : la chronologie du récit est régulièrement cassée puisque l’auteur effectue des retours en arrière pour raconter des épisodes antérieurs relatifs aux personnages ou aux événements présents.
- La structure inversée : on démarre avec un événement fort qui constitue la fin du récit, et on remonte pour repartir au début de l’histoire.
À vous de jouer !
EXERCICE 1 :
Imaginez une histoire simple, testez-là selon différentes structures, et voyez quelle est celle qui rend l’histoire la plus percutante.
EXERCICE 2 :
Prenez une histoire que vous connaissez très bien (livre, film, pièce de théâtre, etc.) et imaginer qu’elle ait été construite différemment. Qu’est-ce que ça aurait donné ?
Par exemple, si Le Roi Lion démarrait avec la mort du roi ?
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Assmaâ Rakho-Mom est écrivaine, podcasteuse, chroniqueuse littéraire et boulimique de livres. Elle aime par-dessus tout écrire, raconter des histoires, mettre en scène des récits. Le faire sur divers supports, via différents canaux, et avec des styles variés la stimule grandement. Assmâa Rakho-Mom a été journaliste, correctrice, directrice de collection dans l’édition, chroniqueuse littéraire, avant d’arrêter ces activités pour se consacrer à l’écriture. En parallèle, elle a développé Bookapax, un compte Instagram dédié au livre et à l’écriture, puis un podcast littéraire, leBookapax Podcast. Elle est l’autrice de deux romans : Les cellules de la galère et Le fils de Zahwa.
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