Choisir ou non un pseudonyme ? Telle est la question que se posent beaucoup d’écrivains. Choisir un pseudonyme peut avoir des avantages : séparer sa vie privée et son activité d’auteur, séparer sa vie professionnelle dans une autre branche et sa vie de créatif, publier une autobiographie de manière anonyme, voire peut-être diviser plusieurs activités littéraires entre elles si vous écrivez dans plusieurs genres. Cela peut-être aussi car vous n’appréciez pas votre nom. Les raisons de recourir à un pseudonyme sont diverses et n’appartiennent qu’à vous. Toutefois, choisir un pseudonyme n’est pas un élément à prendre à la légère. Il existe des règles juridiques à respecter ou à prendre en considération pour faire un choix éclairé. Et c’est ce dont nous allons parler aujourd’hui au sein de cet article.
Le choix du pseudonyme
Le choix du pseudonyme s’effectue de manière discrétionnaire, c’est-à-dire que personne ne vous demandera des comptes à ce sujet. En revanche, vous devez choisir soigneusement votre nom de fantaisie pour n’avoir aucun problème juridique.
À ce titre et premièrement, votre pseudonyme ne doit pas contrevenir à « l’ordre public ni aux bonnes mœurs ». Il s’agit en réalité ici de bon sens et de respect des lois françaises de manière générale. Évitez ainsi de choisir un nom qui pourrait être raciste, injurieux, discriminant, diffamant, incitant à la haine ou au crime, qui usurperait l’identité de quelqu’un d’autre, qui ferait croire à un lien de parenté quelconque avec une autre personne, qui s’approprierait la renommée d’une autre personne, etc.
Ensuite, vérifiez que le pseudonyme choisi n’est pas similaire ou identique à celui d’une autre personne. Cela tombe sous le sens, mais le but d’un pseudonyme est de vous rendre unique et que vos lecteurs puissent vous identifier. Si vous prenez le nom d’une autre personne, le public ne vous distinguera plus.
Nous en avons parlé le mois dernier en matière de titre de livre, effectuer des « recherches d’antériorité » est essentiel pour éviter d’avoir un nom proche de celui d’un autre auteur ou artiste. Vous pouvez ainsi reprendre la méthode préconisée dans mon précédent billet et vérifier les moteurs de recherches, les sites de vente en ligne, les encyclopédies en ligne, les bases de données de la BNF (Bibliothèque nationale de France), ainsi que les bases de données sur les marques déposées pour faire votre benchmark et évaluer les risques juridiques en présence.
Les droits d’auteur des livres publiés sous pseudonyme
Au mois d’octobre dernier, nous avions vu que les droits patrimoniaux de l’auteur durent habituellement toute sa vie plus soixante-dix ans après sa mort. Mais lorsque l’auteur choisit un pseudonyme, cette durée est réduite.
Si l’auteur publie un livre sous son identité réelle, on prend en compte dans le calcul des soixante-dix ans post mortem, la date de sa mort. Mais concernant une personne sous pseudonyme, comment connaître sa date de mort si par définition on ne connaît pas son identité réelle ? De ce fait, la loi française considère que les droits patrimoniaux d’un livre publié sous pseudonyme ne durent que soixante-dix à partir du 1er janvier suivant la publication dudit livre.
Cela dit, si l’auteur décide durant sa vie, ou au sein d’un testament de révéler son identité, la durée du droit d’auteur sera automatiquement prolongée et les soixante-dix ans de protection post mortem s’appliqueront.
L’illusion du pseudonyme en autoédition
Malgré tout, il subsiste un point épineux lorsque l’on aborde la question du pseudonyme et de l’autoédition : les démarches administratives et autres obligations légales qui incombent à l’auteur.
Lorsqu’un auteur choisit de publier son livre en maison d’édition, celle-ci s’occupe de tout et notamment des démarches administratives telles que la demande de numéro ISBN et le dépôt légal auprès de la BNF qui sont obligatoires pour tous les livres, ainsi que le dépôt légal jeunesse auprès de la Commission de Surveillance et de Contrôle des publications destinées à la Jeunesse pour les livres pour enfants et adolescents (nous aurons l’occasion d’en reparler ultérieurement).
Mais en autoédition, ces démarches vous incombent, car vous êtes à la fois considéré comme auteur et à la fois considéré comme éditeur. Ces démarches administratives obligatoires nécessitent de remplir plusieurs formulaires au sein desquels doit être mentionnée votre identité réelle aux côtés de votre pseudonyme. Votre identité réelle ne sera pas communiquée à des tiers, elle servira ici seulement au bon fonctionnement des services administratifs.
Votre identité civile sera également révélée aux services sociaux et fiscaux. Pour vous autoéditer, vous aurez besoin d’une structure juridique pour déclarer vos revenus. Cela suppose d’ouvrir une entreprise (par exemple une microentreprise), mais dorénavant le statut d’artiste-auteur est le statut préconisé (pour plus de détails, je vous renvoie vers le site de l’URSSAF Limousin — et ce, même si vous résidez dans une autre région : l’URSSAF Limousin est le seul organisme chargé des auteurs). Vos coordonnées et votre identité réelle seront donc révélées à ces services.
Enfin, vous devrez également inscrire des mentions légales au sein de votre livre (vous savez, ces informations écrites en tout petit juste après la page de couverture, où figurent généralement l’année d’impression, la date du dépôt légal et parfois des rappels d’articles de loi). Cette page s’appelle « l’ours » du livre et les mentions qui doivent y figurer sont listées dans la législation. Parmi ces mentions obligatoires, il y a le nom et l’adresse de l’éditeur. Et comme vous êtes à la fois l’auteur et l’éditeur, ce sont vos propres noms et prénoms (de la vie civile) et votre adresse qui devront être inscrits. Votre pseudonyme est donc compromis, car vous avez obligation d’écrire ces informations au sein de votre livre, qu’il soit publié au format imprimé ou numérique.
Beaucoup d’auteurs autoédités font l’impasse sur ces mentions, car il y a peu de vérification des mentions légales. Malgré tout, ne pas le mentionner reste une infraction et vous pouvez risquer jusqu’à 75 000 euros d’amende. Il est donc déconseillé de faire l’impasse sur ces mentions légales.
Si par chance vos lecteurs ne prêtent pas attention aux mentions légales de votre livre, ils pourraient toujours connaître votre identité réelle si vous décidez de leur envoyer vous-mêmes vos exemplaires par la Poste, ou bien si vous leur délivrez des factures, si vous vous inscrivez à des salons du livre, etc. Vous voudrez aussi peut-être également ouvrir un site internet d’auteur pour vous faire connaître, et dans ce cas, là aussi il faudra inclure une page de mention légale avec votre nom et prénom réel, votre adresse et votre numéro de téléphone.
Écrire sous pseudonyme en autoédition est donc un exercice périlleux. Cela n’est pas interdit, mais votre identité réelle sera fortement exposée. Ayez donc à l’esprit ces informations avant de vous lancer. La loi sur les mentions légales a été créée à une époque où l’autoédition n’était pas aussi répandue qu’aujourd’hui et ce genre de problématiques ne se posaient guère.
Maintenant que vous savez tout cela, il ne vous reste plus qu’à décider si vous souhaitez utiliser un nom d’emprunt, et si oui, lequel !
PRÉSENTATION D’ELVIRE BOCHATON
Elvire Bochaton est juriste en Droit de la Propriété Intellectuelle et plus particulièrement en droit de l’édition et de l’autoédition. Elle a travaillé avec plusieurs maisons d’édition.
Littéraire dans l’âme, sa pratique du droit se complète à une sensibilité artistique la conduisant à prendre en considération toutes les étapes de création d’une œuvre. Dans cet objectif, elle a conçu le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre. Celui-ci est aussi bien à destination des auteurs que des éditeurs et a pour rôle de réunir les 100 questions juridiques principales fréquemment posées durant le processus d’écriture, la publication et la post-publication d’un livre.
Si d’ailleurs vous souhaitez approfondir certaines questions ou thématiques abordées au sein des articles juridiques présents sur Kobo Writing Life, le Guide de Survie Juridique pour Écrire et Publier son Livre est fait pour vous !
En plus de ses activités de juriste et d’autrice, Elvire Bochaton est également rédactrice juridique, conférencière et formatrice pour délivrer de l’information juridique aux auteurs et les accompagner durant tout leur processus créatif et de publication.
Dans la pratique de son métier, rendre le droit accessible pour tout public est une de ses priorités.
Selon elle, le droit est un moyen pour concrétiser ses projets et ne doit plus être perçu comme une contrainte.