Coline Gatel, la lauréate 2018 du concours d’écriture « Les Talents de demain », a connu un riche parcours dans l’autoédition avant de remporter la deuxième édition de notre concours. A l’occasion de la parution au format papier de son roman Les Suppliciées du Rhône aux éditions Préludes, notre partenaire pour le concours, nous avons longuement conversé avec Coline. Son roman célébrant la naissance de la criminologie sur fond de polar lyonnais, sa participation au concours « Les Talents de demain », la comparaison entre l’autoédition et l’édition traditionnelle, mais aussi les lectures qui ont nourri son écriture, ses sources d’inspiration, les thèmes qui lui sont chers, etc. : rencontre avec une voix de la littérature qui a des choses à dire !

Sur son rapport à l’écriture
Quand avez-vous découvert votre passion pour l’écriture ?
Lorsque j’ai appris à écrire, parce que dessiner mes histoires me limitait. Mon « premier héros » était une voiture et elle s’appelait « Wonedolinger ».
Y a-t-il un livre en particulier qui vous a donné l’envie d’écrire ? Quels sont les auteurs ou les livres qui vous ont inspirés ?
L’année de mes 13 ans, j’ai fait de très belles rencontres littéraires qui ont bousculées ma vie. Au niveau livres, La Petite Fille au bout du chemin de Laird Kœnig, Le Petit Matin de Christine de Rivoyre et La Maison sur le rivage de Daphné Du Maurier. Je les ai lus plus d’une dizaine de fois chacun !
Du côté des héros, je suis tombée « en amour » pour Arsène Lupin. Dans ma tête d’adolescente, j’ai tout mélangé bien fort. Cela a construit mon imaginaire d’adulte. Un mélange d’obscur et de chevaleresque…
En grandissant, j’ai beaucoup lu. De tout. Jusqu’à un livre par jour. Mais rien n’a pris la place de ces trois histoires-là.
Où puisez-vous l’inspiration ? Quelle est votre astuce pour contrer l’angoisse de la page blanche ?
Pour que j’arrive à écrire, il faut que je sois en introspection. Je rentre en moi et puise mon inspiration de mes failles, de mes angoisses, de mes peurs… de mon enfance aussi.
Pour contrer le manque d’inspiration, il faut que je trouve une chanson qui m’interpelle. Pas une musique, car j’ai besoin de mots. Un truc un peu bête parfois. Quelque chose qui passe sur les ondes. Pour vous donner un exemple, la phrase « Le vide aurait suffi » d’une chanson de Julien Doré (Sublime & Silence) m’a complètement bousculée. Et je ne sais pas pourquoi.
Autrement, le reste du temps, William Sheller demeure celui qui réussit le plus à me donner l’envie d’écrire.
Sur son parcours en tant que lauréate du concours
Vous avez démarré en tant qu’auteure autoéditée avant de remporter la deuxième édition du concours d’écriture « Les Talents de demain » organisé par Kobo Writing Life en collaboration avec la Fnac et les éditions Préludes. Que retenez-vous de cette expérience ? Quel regard portez-vous sur l’autoédition ?
Je n’ai que de bons souvenirs de l’autoédition. Je pense même que tout auteur devrait commencer de cette manière-là. Cela vous apprend l’humilité. Écrire. Tout prendre en charge. Se vendre. Glaner la bonne chronique qui vous fera du bien. Mais surtout être déçu parce que personne ne vous reconnaît… cela forge le caractère !
L’autoédition est très mal vue, je trouve, en France. Les lecteurs ont tendance à avoir une pensée unique et rapide : « Si cet auteur est en autoédition, c’est que personne n’a voulu de lui ! Donc c’est nul. » Et bien non, un auteur autoédité n’est pas toujours un auteur refusé ! Il existe maintenant un bon nombre d’auteurs autoédités, apparus avec l’arrivée du numérique, qui refusent le monde des « marchands de livres » qui ne leur proposerait qu’une impression à la demande (sous réserve de payer) mais sans même un suivi sur la diffusion de leur ouvrage. Certains préfèrent donc se débrouiller seul.
Le seul problème de l’autoédition, c’est que personne ne contrôle rien. Si bien que le lecteur ne sait pas toujours sur quoi il va tomber…
Heureusement, il y a des blogueurs qui jouent le jeu et aident les auteurs indépendants à être reconnus. Personnellement, j’ai eu cette chance-là. Mais c’est dur.
Aussi c’est bien que certaines plateformes sur le net s’ouvrent maintenant aux indépendants (merci Kobo !) afin qu’ils puissent soumettre leurs œuvres au public.
Quels sont les avantages à être un auteur indépendant d’une part, et que vous a apporté le travail avec votre maison d’édition d’autre part ?
Les avantages d’être un auteur indépendant, c’est que l’on maîtrise tout. On sait comment notre livre est reçu. On partage beaucoup. Sur les salons, où l’on rencontre des auteurs et des lecteurs… qui pour certains deviennent des amis ! On communique sur les réseaux sociaux où il faut se faire connaître.
Se retrouver auteur dans une belle maison d’édition, c’est lâcher prise. Et c’est pas mal de lâcher prise lorsqu’on est un auteur et que l’on doit se concentrer sur l’écriture.
En même temps, pour ma part, c’est découvrir que l’on ne maîtrise plus rien. On ne sait pas si son livre se vend. On ne sait pas ce que l’on va devoir faire dans les mois à venir… Mais en même temps, tout est organisé. Le pied !
À part cela, être auteur édité permet d’avoir le droit à un travail bien fait. Une équipe professionnelle autour de soi : correcteurs, maquettistes, commerciaux… Tout ça n’a pas de prix ! Je vous le promets !
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous aux auteurs souhaitant participer à la troisième édition du concours « Les talents de demain » ?
OSEZ ! Je n’y croyais pas et voilà ! J’ai gagné !
Peaufinez votre texte. Faites-le relire. Corrigez-le et faites-le corriger. Cherchez une belle couverture… et puis OSEZ !
Sur son roman Les Suppliciées du Rhône
Comment vous est venue l’idée d’un polar historique retraçant les débuts de la criminologie ?
Vaste question ! Je ne sais pas. Félicien Perrier est un personnage qui apparaît dans une série que j’ai publié en autoédition. Il était secondaire mais petit à petit, il s’est imposé à moi.
Comme il était médecin et rêvait de voir évoluer la médecine légale, il a naturellement trouvé sa place auprès de Lacassagne à Lyon, lorsque j’ai voulu lui consacrer un livre… Et puis tout s’est enchaîné, comme une évidence.
Les Suppliciées du Rhône met en scène des personnages et lieux réels comme Alexandre Lacassagne ou le bateau-morgue dans la ville de Lyon. Comment avez-vous procédé pour la phase de documentation indispensable pour un tel roman ?
Je remercie, chaque jour, le Dieu-Internet qui me permet de pouvoir entreprendre des recherches du fin fond de ma campagne ! J’ai eu accès à des rapports d’autopsie de la fin du XIXe siècle que je n’aurais pas pu avoir en main autrement !
Je lis beaucoup. Je m’imprègne des lieux. J’essaie d’imaginer les odeurs que sentaient ceux qui vivaient à cette époque. Très important pour moi les odeurs… En fait, je m’immerge, et puis j’engrange.
J’ai tenté la prise de notes en traînant toujours un carnet Moleskine avec moi. Mais le souci, c’est que je n’arrive plus à me relire après ! Alors j’essaie, durant la période d’écriture, de tout caler dans ma tête. Je peux avoir une vingtaine d’onglets ouverts sur mon écran d’ordinateur, avec lesquels je jongle afin d’aller rechercher le détail que j’ai oublié.
Je ne prétends pas être une historienne. Loin de là. Mais j’aime bien « coller » à l’époque dont je parle. Alors, j’essaie de fouiller le plus possible. Je suis une « archéologue » du net !
Bien qu’ancré au XIXe siècle, votre roman a une tonalité résolument moderne de par les thématiques abordées : les violences contre les femmes, l’avortement, l’émancipation féminine, etc. En quoi est-ce important pour vous d’aborder des thèmes forts, et de quelle manière cela peut-il impacter votre écriture ou l’intrigue même de votre roman ?
Ce qui se passe à notre époque me touche, surtout ce qui concerne la femme. J’ai lu dernièrement qu’il était souvent mal vu de se prétendre « féministe » en France, car cela prenait toujours une connotation extrémiste. Toutefois, j’ose dire que je suis féministe. Qu’une femme ne gagne pas le même salaire que son homologue masculin m’irrite au plus haut point ! Je ne comprends pas de quel droit… Quant à un retour en arrière au niveau de l’avortement ? Non !
Aborder ces sujets dans un roman, c’est pour moi une manière de « militer » avec mes moyens. Si je fais réagir un seul lecteur sur cent et que celui-ci se met à voir l’absurdité de choses qui se passent encore de nos jours… ce sera toujours cela de gagné !
Pour aller plus loin
Avez-vous de nouveaux projets en cours ?
Oui… bien que je sois un peu en panne pour le moment. Sans doute le contre-coup !
Autrement, je travaille sur un polar feel-good (histoire de sortir de ma zone de confort), et sur un autre épisode des aventures de Félicien Perrier. Mais pour ce dernier manuscrit, je dois faire beaucoup de recherches sur les sanatoriums à la fin du XIXe siècle. Je n’en suis donc qu’à l’ébauche.
Que lisez-vous en ce moment ?
Une enquête d’Agatha Raisin afin de m’imprégner de l’ambiance « polar feel-good » !
Quelle pourrait-être la citation qui vous représente le mieux ?
Je vais être très classique : « Carpe Diem ». Je traîne cette phrase depuis longtemps mais elle me correspond bien.
Merci à vous pour cette interview à laquelle j’ai pris plaisir à répondre !
Un gros merci, encore une fois, à Kobo pour son concours « Les talents de demain ». L’aventure est belle et je ne peux que conseiller aux auteurs de la tenter !
Chère Coline,
Merci pour ce retour d’expérience ! Ce fut un plaisir de découvrir votre plume avec Les Suppliciées du Rhône.
L’équipe KWL